« Je suis un
simple crayon bille, de ceux qui s’achètent par trois, par quatre ou par dix
dans tous les supermarchés à un prix dérisoire. Hélas ! Bon nombre d’entre
nous passent de main en main sans que nos propriétaires s’en affligent. Mais,
sitôt abandonnés par distraction ou par négligence, nous retrouvons un nouvel
usager.
Au premier abord,
insignifiants, nous sommes, sans doute, un des objets les plus utiles. Parfois,
nous travaillons d’arrache- pied car nous servons à tout noter :
listes de courses, pense bête de l’immédiat ou du long terme ; plus
noble : les phrases d’un livre qui nous interpellent, ls pensées du jour
ou encore les signatures, les autographes ou les dédicaces ; une sorte de
mémoire écrite qui, en cas de besoin, ne faillira pas.
Personnellement,
j’ai la chance d’être très apprécié de la personne qui m’utilise à tout propos
et pour qui je demeure indispensable. Sans moi, elle se sent mutilée et elle
veille toujours à ma présence dans une
des poches de son sac à main. Cependant, ce qu’elle oublie parfois, c’est le
support : le papier ou le carnet sur lesquels je dois écrire. Là, c’est la
catastrophe ! À moins d’écrire dans sa main, elle n’a plus qu’à retenir
les chiffres, les phrases qu’elle voulait si bien noter.
Il lui est arrivée
de me préférer le stylo plume, un modèle tiré à quatre épingles offert
en cadeau d’anniversaire. Prendre ce râteau déclencha chez moi une telle
jalousie que j’en perdis le roulement de ma bille et une partie de mon encre.
Pendant un temps, je croyais avoir avalé ma langue et fis la grève de la
page blanche.
Mais un jour, sans
doute fatiguée de réarmer souvent son stylo, je lui fis manger son chapeau et
elle revint vers moi. Je me fis à nouveau un plaisir de glisser , agile et
nourri sur les pages de ses cahiers pour raconter la nature, le quotidien ou
tout simplement parler d’amour.
Demain, peut être
me délaissera t’elle encore pour écrire directement avec le clavier de
l’ordinateur. Alors, là, je crois que je ne lui pardonnerai pas ! »
La rancune a de beaux jours devant elle
RépondreSupprimerLire tes mots écrits avec ce crayon aurait été touchant… ;-)
RépondreSupprimerKeremma