Je ne bougeais pas, enfin pas trop, je n’avais pas envie de naître, je voulais me faire oublier au milieu de ce tumulte de voix, de pas, de bruits incessants qui me perçaient les oreilles.
SI c’était ça le monde ! Un univers bruyant où tout le monde parle en même temps et où personne n’écoute son semblable. J’ai bien senti que la parole de l’autre ne pèse rien par rapport à ses propres dires. Qu’il n’y a qu’un langage unique : le sien. Qu’il faut du courage, de l‘énergie, de l’abnégation, de la résistance pour imposer à l’autre ses propres opinions.
Dehors, tout le monde parlemente, discute, déclame et pérore en même temps, mais personne jamais ne vous écoute.
J’ai décidé de ne pas naître : une intuition, des impressions négatives qui me viennent du dehors, des bruits assourdissants qui m’insupportent, où chacun élève la voix pour couvrir la voix de l’autre. Un charivari humain permanent.
Je suis bien là où je suis, bien recroquevillé dans mon gentil cocon douillet, confortable et sans disputes, sans cris et sans bagarres. Personne pour me contredire. J’ai tout mon temps, un jour, je sais, il me faudra sans doute quitter la place. Et je serai si triste d’abandonner mon petit nid tranquille, si cool où je passerais bien le reste de mon existence.
Mais il me semble que cela ne soit pas la coutume. Je sens qu’ici déjà, je prends trop de place, j’entends des plaintes de mon hébergeuse, qui me reproche de l’alourdir, de la gêner, d’entraver son sommeil, d’envahir progressivement un territoire qui, au demeurant, n’est pas le mien ! Et surtout, surtout de jouer aux « prolongations ». Je ne sais pas ce qu’elle entend par là ! Indésirable dans cet étroit univers, que me réservera l’autre ? Serais- bien accueilli, trouverais-je une terre qui me laissera la place qui me revient de droit ? Allons, profitons des derniers instants de bonheur avant de franchir l’inexorable frontière, avec en poche, je l’espère, un passeport joyeux pour une nouvelle, heureuse et longue vie.
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