30 novembre 2024
Bulles / L'Entille
La pluie nocturne a laissé ses perles d’eau sur les larges feuilles des capucines.
J’aurais voulu laisser la trace de ces diamants dans un dessin.
Mais quel crayon me donnera le talent de les reproduire fidèlement ?
Et elles disparaissent, telles des bulles de savon, sous l’effet du vent.
L’école des artistes / Cathy
Tous les matins, je partais à l’école avec ma boîte à crayons.
J’en
étais si fier de cette petite boîte en bois couleur caramel, elle représentait
tant de choses à mes yeux. Mon père me l’avait offerte pour mon anniversaire.
Quand
je partais à l’école, j’avais toujours peur qu’on me la casse et pour cause,
Gino et sa bande m’attendaient et me faisaient la misère depuis près de cinq
mois.
Ils
prenaient mes crayons de couleur les éparpillaient un à un, un peu partout dans la
cour et par la suite ils jetèrent mon cartable, toutes mes affaires jonchaient
le sol.
Un soir
je demandai à mon père d’affiner mes crayons de couleur sous prétexte d’être
dans l’inquiétude que la mine se casse et fasse des grosses traces sur mon
dessin.
Sans un
mot car il était peu bavard, il se mit à l’ouvrage couteau en main et affina
les pointes avec soin et je partis tout content serrant fort ma boîte à crayon
dans les mains.
Comme à
l’accoutumée, je vis au loin la bande de Gino comploter et rigoler devant le
portail.
Je me
cachai et pris un crayon, le bleu, comme la couleur du ciel et le lançai en
direction de sa bande.
Il
tomba au sol tel une brindille.
Ils se
rapprochèrent de moi mais sans me voir derrière la haie.
Je pris mon deuxième crayon, le rouge celui que j’affectionne tout particulièrement.
Je
trouve sa couleur belle comme le sang.
J’attendis qu’ils se rapprochent encore, encore, et là lui plantai dans les fesses si fort
que le bruit de l’impact était comme le bruit d’un ballon qui explose,
poc !
Je
sortis de ma cachette et brandis mes crayons tel un guerrier prêt à combattre
n’ayant ni peur de la honte ni peur de la mort.
Je vis
partir toute la bande en courant dont un avec les fesses toutes rouges de sang.
Aujourd’hui
encore, je m’en souviens assis en tailleur au grenier de ma maison, mon regard
posé sur cette boite ouverte remplie de crayons de couleurs parsemée d’hémoglobine.
Que
d’émotion devant mon premier chef d’œuvre.
LES MOTS DES COULEURS / Galet
La femme lui a ouvert la porte, et l’autre lui a lâché la main en disant : « Vous savez, il ne parle pas ». Le petit a fait le tour de la pièce, a effleuré du bout des doigts un ours en peluche dans la caisse de jouets, sans un regard pour le ballon ou les petites voitures, et il s’est arrêté devant la petite table sur laquelle il y avait une grande boîte de crayons de couleurs et des feuilles de papier blanc. Il a levé les yeux vers la femme, elle lui a fait un ample signe du bras avec un sourire, et il s’est assis.
Il a choisi minutieusement quelques crayons et a fait un cercle marron tout en haut à gauche de la feuille, qu’il a complété de traits un peu tremblés. Un personnage prenait vie. Il lui a donné de longs cheveux bleus, deux gros points verts pour les yeux et un trait rouge épais pour la bouche. Une sorte de gros tourbillon violet a habillé le corps et une fleur orange est apparue dans la griffe d’une main.
Dans le coin en bas à droite, il a jeté avec rage des tas de ronds noirs qui s’empilaient, se chevauchaient, d’où pointaient de longs traits marrons. Puis il avait gribouillé le tout jusqu’à ne presque plus voir le dessin, et dans l’espace vide de la page il a crayonné de ses doigts crispés de grands lacets rouges zébrés d’éclairs noirs. Alors il a posé les crayons, ses mains tremblaient et son front était couvert d’une fine sueur.
« Tu as fini ? » a demandé la femme accroupie près de lui. Il a hoché la tête en lui tendant le papier qu’elle a longuement regardé avant de remarquer : « Pourquoi tu n’as pas pris un crayon jaune ? Tu aurais pu faire un beau soleil… ». « Plus soleil » a répondu l’enfant. Elle a reposé la feuille sur la table et a désigné le premier dessin du bout du doigt en regardant gravement le gamin. Il a soufflé « Mama ». Sans quitter le petit du regard elle a glissé son doigt jusqu’au coin opposé. « Et ça ? ». Alors il a crié : « Soldats !.. Eux tuer Mama, eux tuer tous ! » Il a craché sa douleur avant de s’effondrer en pleurs. Comme elle le prend dans ses bras pour le consoler, il murmure à son oreille entre deux hoquets : « Toi brûler crayons, mauvaises couleurs… ».
CRAYONS DE COULEUR / J.Libert
Palette / K
Terre bleue
Eluard orange
Clôture ocre
Muret anthracite
Jardin Véronèse
Arbre émeraude
Herbe amande
Fleur corail
Champ grège
Colline blonde
Chemin vanille
Quai sable
Grève mandarine
Ballon rouge
Désert blanc
Nuage indigo
Ciel abricot
Soleil écarlate
Blés roses
Epis cuivre
Alpha Rimbaud
Voyelles Arc-en-ciel
Tango vermillon
Omega violet
Lune paille
Tournesol or
Van Gogh jaune
Pré vert
SYMPHONIQUE DE COULEURS / Marie Sylvie
La demande / Jill Bill