05 octobre 2024

Sujet n°109 - semaine du 5 au 12 octobre

 




Entre l'inné et l'acquis / L'Entille




-Attends, je cherche .

- Tu cherches la solution dans un livre ?

- Je te signale, pour info, que ce n’est pas une acquisition innée chez moi.

- Je remarque, soit dit en passant, que tu sais tenir un livre.

- Oh ça ! Je l’ai tant vu faire.

- C’est vrai qu’ici on ne vient pas pour prendre l’air.

- Ne sois pas impatient.

- Tu as conscience quand même que j’ai un rencard avec une minette du quartier et qu’à cause de tes lacunes je vais être en retard à notre premier RDV.

- J’ai lu quelque part qu’un homme ne peut pas faire attendre une femme mais que l’inverse est autorisé voire même de bon aloi.

- Et en plus on doit arriver avec des fleurs, on doit l’inviter et pas qu’une fois. Il faut avoir une bourse bien garnie pour draguer.

- Tu crois que « Me too » va changer ces mœurs là aussi ?

- Pas de danger ! Elles ont voulu l’égalité…………

- Oh, ça c’est pas encore fait.

- Et quoi encore ! Comment veux-tu qu’on se retrouve avec tous ces changements !

- Quels changements ? On en parle beaucoup mais il n’y a pas grand-chose de fait.

- Ah, c’est toi qui le dit ! Et tu lis tout ça dans tes livres ?

- Non, pas que. Je vois le comportement des gens qui viennent ici et je les vois aussi par la fenêtre.

- Ah ben justement en parlant de fenêtre, tu as trouvé comment on l’ouvre ou je te fais un dessin.

- Ça y est, je dois soulever la poignée d’un quart de tour.

- Et bien qu’est ce que tu attends ? J’ai un rancard et je suis déjà en retard.

- Tu n’auras qu’à dire que tu respectes l’égalité dans un couple !

- A tchao !


L'art du camouflage / L'Entille

 


C’est l’heure où les chats préparent leur soirée. Un œil sur les alentours, un itinéraire à redécouvrir, une planque alléchante et des copains pour explorer. Ils attendent l’interstice d’une fenêtre ou d’une porte entrouverte à moins qu’il y ait par bonheur une chatière. Cette nuit il seront tous gris qu’importe leur pedigree. C’est à ce moment-là que je me pelotonne dans le fauteuil à oreillettes si profond, si déglingué et pourtant si confortable, placé intelligemment au coin de la bibliothèque et profondément enfoncé que pour le découvrir il faut le chercher. Depuis des mois je squatte l’angle de mon bureau, depuis que je télétravaille, sans que quiconque ait reniflé la supercherie. Pour être tranquille vers 18h je dis à la cantonade que je vais faire un tour pour m’aérer les neurones après des heures sur l’ordinateur à suivre les cours de la bourse. Je fais claquer la porte d’entrée et je retourne en catimini me rencogner avec un nouveau livre dans les mains. C’est là que je m’aère. C’est avec toutes ces aventures, ces histoires, ces théories nouvelles ou fumeuses que mon monde ouvre ses frontières. Je deviens un personnage du livre, j’aime, je ris, je m’indigne, parfois je pleure. Je fais miens les sentiments des protagonistes. Il n’y a pas de bons ni de méchants, il y a des personnages. C’est comme dans la vie il y a des gens. Je soupçonne parfois Karl, mon mari, d’avoir découvert ma mystification. Il n’en a jamais rien dit. Il respecte mon jardin secret sans essayer d’en enfreindre la frontière. Et parfois j’entends la porte d’entrée claquer du fond de mon fauteuil et de mon univers du jour. Là, il n'y a plus de limite à mes explorations.


Pour Lily / Larose

 



Dans l’atmosphère feutrée d’un appartement

Situé au dernier étage d’un haut building,

Se perd le doux regard d’un chat noir et blanc

Dans l’immensité d’une ville froide et grise.

Seule la trajectoire du soleil illumine

Sa solitude sur le parquet brun ciré

D’une bibliothèque aux volumes anciens.

Chaque jour, attentif, il écoute l’histoire

Écrite pour le distraire d’une monotonie

Qui se répète aussi invariablement

Que la routine de son maître qui l’abandonne.

Pourtant la musique des mots l’emporte

Dans des horizons si lointains, aux parfums

Enivrant d’herbe à chat et de souris grises.

Son esprit s’échappe dans une rêverie

Sur un canapé au tissu chatoyant

Où le matou se prend pour un chat perché

Qui ronronne de plaisir en écoutant

L’histoire d’un persan nommé le Chat Botté.


Epilogue / J.Libert

 



    « Souviens toi ! Comme nous étions une magnifique paire de double rideaux, au début de notre installation, accrochée à la fenêtre de l’appartement de ce nouveau propriétaire.

     Tu trouvais qu’on nous avait trop éloignés l’un de l’autre. Tu aurais voulu constamment t’envelopper dans mes plis dont tu louais le tomber si gracieux. Tu me complimentais sur la texture soyeuse de mon textile, sur mes coutures invisibles, sur mes finitions délicates, sur mes anneaux fantaisie ornant si joliment ma tête.

     La nuit, on nous rapprochait pour faire l’ombre de la pièce, alors, nous nous frôlions, nous nous caressions sous la complicité du vent de la rue.

    Cela dura plusieurs années, souviens toi ! Moi, j’y croyais vraiment. Nous deux, c’était pour l’éternité !

     Et puis, avec le temps, le soleil et l’humidité, nos couleurs se sont affadies, même toi, ton tissu s’était relâché, on en voyait la trame, mais peu importait. Tu étais tellement pris par la préparation de tes plaidoiries que tu ne voyais rien venir.

     Les choses se sont vraiment dégradées quand tu as voulu défendre ce courtier en Bourse qui travaillait sans carte et qui avait fait perdre de belles sommes à de nombreux clients naïfs et mal renseignés. Tu consultais et reconsultais les livres de droit pénal de la bibliothèque paternelle du propriétaire. Tu ne me voyais plus.

     Alors, j’ai pris à témoin le chat à l’air si paisible. La nuit, avec ses griffes, il me découpait, petit à petit, en lambeaux. J’avais mon plan. J’ai fait en sorte de disparaître discrètement par la fenêtre et me suis envolé aux vents d’automne.

     Aujourd’hui, je ne doute pas que tu aies réussi le plaidoyer de ton client véreux. Nous étions si ressemblants, trop, peut-être. »


Détail/ K

 



Le rideau lit un roman d’une voix sourde drapée d’émotion
C’est un peu triste, cela dure et le parquet ciré va bientôt craquer  
Dans le lointain d’une autre pièce une radio est restée allumée
L’insanité cabalistique des cours de la bourse se déverse
Telle une énigme suspendue dans l’air
 
Le soleil est saisi d’une fatigue orange  
Il flotte sur la silhouette stoïque des immeubles gris
L’étagère incomplète perd doucement la mémoire
Elle pleure en silence le tome disparu
Et ses mots dispersés, lourds ou légers, échappés
 
Sage
Le chat ignore tout cela
Curieux d’un détail visible de lui seul

Papotage / Galet

 


Bonjour, moi c’est D1 (le rideau D, comme droite, pour que vous compreniez). L’autre, en face, c’est un cousin, G2, et nous n’avons pas grand-chose en commun si ce n’est la texture et le même bain de couleur. Il a été accroché là au printemps, après le Grand Ménage, suite à une erreur du personnel. Bien sûr personne ne s’en est aperçu, mais mon jumeau G1, sur l’autre fenêtre, doit s’ennuyer ferme. C’est que nous venons du même coupon, nous sommes frères de lé, oserais-je dire ! Encore un an à attendre d’être décrochés et dépoussiérés, en gardant l’espoir d’être réunis… Je ne sais pas ce qu’il en est de D2, mais son pendant ici est un taciturne un rien snob, qui se contente de contempler la vue, le drapé imperturbable, la cordelière strictement serrée. Tout juste s’il se relâche le soir.

Avec G1, le moindre filet d’air était prétexte à un frisson de tissu, nous jouions avec le chat qui se cachait dans nos plis ou nous escaladait, les jours de folie ! Même lui, du coup, est triste… Mais heureusement, il me reste fidèle, et nous ne sommes que deux à en connaître la raison principale : le trou de souris dans l’angle de la pièce, bien protégé par l’immense bibliothèque ! Sans Minouche, quel carnage ce serait. Pour l’heure, il surveille le trafic et l’agitation sur les trottoirs de l’avenue bordée d’immeubles haussmanniens, à deux pas de la Bourse, et me laisse tranquillement feuilleter le livre qu’il a complaisamment fait tomber de l’étagère pour moi. Car j’ai le don inexpliqué de savoir lire, et j’aurais aimé confirmer à Lamartine que, oui, les objets ont une âme, et que personnellement ce passe-temps m’aide à mieux comprendre certaines discussions qui ont lieu dans cette pièce un peu à l’écart, certaines confidences chuchotées, certains secrets livrés. Malheureusement, je ne peux plus en débattre avec G1, comme l’an dernier, quand la nuit nous rapprochait…

Non, décidément, cet ouvrage-là ne m’accroche pas du tout. Un essai de Milan Kundera, même s’il s’intitule « Le rideau », c’est trop dur pour moi. Je soupçonne le chat de se moquer de moi dans ses choix, il m’avait déjà proposé le « Tomber de rideau » de Philippe Claudel. Un peu ardu, tout de même. Allez, je laisse tomber pour aujourd’hui, et ce sera à mettre sur le compte du mistigri, mais il sait si bien donner le change en se frottant contre les jambes de la femme de ménage !


Quand je ne suis pas là / La Licorne

 



Tandis que le chat sort de son sommeil

Pour aller jouer à "un, deux, trois, soleil"

Le rideau me prend mon meilleur roman

Pour lire une histoire au soleil couchant


L'astre dans le ciel termine sa course :

Il dit au chaton : "Je t'ai vu bouger"

Le rideau se ferme devant la Grande Ourse

Et sans bruit le livre va se reposer...

Poussy / Jill Bill

 



Personne ne croira un chat qui parle

Une tenture qui raconte...

Seul, en semaine, me faut tuer le temps

En garçonnière, certes, confortable,

A regarder le soleil d'Est en Ouest

Avant qu'il ne rentre

Sa bourse vidée d'achat de bouquins.....


Il était une fois, il était une fois...

Repu !!!!!

Moi, j'aimerais aller à la chasse

Aux papillons, mais,

Je suis parqué à l'appartement....soupir !


Chuuut la tenture !! J'entends une clé dans la serrure...


Saaalut mon p'tit Poussy !

Ben, tu boudes, tu te tiens à carreau........

30 septembre 2024

Sujet 108 - les participants



Poussy  par Jill Bill

Quand je ne suis pas là par La Licorne 

Papotage par Galet

Détail par K

Epilogue par J.Libert

Pour Lily par Larose

L'art du camouflage par L'Entille