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02 septembre 2023

LE CRUCIVERBISTE / J.Libert

 

 


     Il y avait encore sur la table du salon son dictionnaire, son livre de combinaisons de mots, ses lunettes chaussées seulement pour lire les petits caractères, son vieux cahier de notes contenant des réflexions glanées pendant des années au cours de ses lectures.

     Son réveil marquait trois heures pile du matin quand il s’était recouché et, comme son cœur, il s’était arrêté. 

   On aurait pu dire que Paul était un fervent  amateur de mots croisés mais plus juste était de dire qu’il était un cruciverbiste chevronné ne se séparant jamais de son sport cérébral

     On lui connaissait cette passion de la définition depuis toujours mais, il est vrai, que l’on ne savait pas très bien ni quand ni comment elle était née chez lui… peut-être un jour de pluie ou alors un jour d’ennui. Ni ses parents, ni son milieu familial ne lui avaient transmis le moindre indice de ce virus, privé de la scolarité la plus élémentaire  et baignant dans un langage patoisant d’où le Français littéraire  était exclu, voire inconnu.

     Dès qu’il en avait le loisir, Paul s’installait sur un coin de table loin des bruits et des bavardages car il avait besoin de se concentrer pour remplir sa grille encore muette.

    Il se séparait rarement de son dictionnaire et le feuilletait souvent à la recherche  d’un synonyme ou d’une définition. A la fin de sa vie, il en avait tant tourné les pages que la tranche du livre avait conservé la trace de son usage trop fréquent.

     Au stylo bille ,il préférait le crayon de bois qu’il aiguisait soigneusement avant chaque exercice. Une petite gomme à l’extrémité lui permettait d’effacer ses réponses erronées car il détestait les ratures. La grille devait rester lisible et impeccable.

     Dans notre entourage , nous ne connaissions personne qui aurait pu le concurrencer puisqu’il parvenait à remplir des grilles de force 6 et des grilles dépourvues de cases noires .Et bien que nous ne lui arrivions pas à la cheville, il forçait notre admiration et nous étions très fières pour lui.

 

Pépé aimait lire /Fredaine

 



Pépé aimait lire. Quand je pense à lui, je revois ses grosses lunettes carrées, ses vieux livres, ce réveil qui se repliait dans sa boîte, je me souviens, la boîte était d’un vert émeraude suranné. Je n’ai pas non plus oublié son sens de l’humour, ses blagues, ses sourires, sa tendresse. C’est lui qui m’a appris à faire du patin à roulettes, en bas dans la cour de la cité. Il avait chaussé mes patins devant mes yeux émerveillés. Il avait déjà presque 80 ans.

Pépé était d’un autre siècle. D’un siècle avant le vôtre, d’un siècle avant le mien. Et pourtant, il était moderne et je suis certaine que tous ces changements qui ont jalonné ces dernières décennies l’auraient passionné. Internet l’aurait happé lui qui était avide d’apprendre, de savoir, de découvrir. Il n’avait que le certificat d’études mais il était savant. Il avait appris l’anglais tout seul et l’une de ses gloires était d’avoir, après la guerre, emmené dans son taxi, deux américaines venues se recueillir sur les plages de Normandie.

Pépé était un bon vivant. Il aimait chanter et manger. Aux repas de famille, il finissait par entonner des chansons un tantinet paillardes au grand dam de ma grand-mère. Il aimait la bonne chère, mangeait les huîtres dans une cuillère à soupe, « parce que une à la fois, on n’en profite pas » et était capable d’aller vider son estomac au milieu du repas pour profiter de la suite. Un éclat d’obus reçu pendant Grande Guerre avait réduit la taille de l’organe en question.

Il nous emmenait promener au parc Montsouris, y faire de la balançoire, un tour de manège, donner à manger aux pigeons. J’ai longtemps cru, à cause de lui, que si je parvenais à leur mettre du sel sur la queue je pourrais les attraper. Nous allions aussi au cimetière du Montparnasse sur la tombe de sa mère morte alors qu’il était adolescent et nous ramassions des coccinelles que nous mettions dans une petite boîte en plastique pour les libérer dans l’appartement et faire râler mémé. Il adorait faire râler mémé.

Pépé aimait lire. Il couvrait ses livres d’une feuille de papier fin et transparent qui a jauni avec le temps. J’ai souvent retrouvé, glissés entre les pages, de vieilles photos, des articles de presse.

Pépé aimait lire et quand ses yeux l’en ont empêché, il a choisi de s’arrêter. Il avait 90 ans,  était né en 1894, avait traversé deux guerres et avait milité sans relâche pour un monde meilleur, plus égalitaire, plus tolérant.


Le père / Lilousoleil

 


 

 

Petit village d’Auvergne. Village que dis-je un hameau perdu au milieu des volcans éteints. Il a vécu ici son enfance. Orphelin de mère dès dix mois, élevé à la dure et à la  diable entre son père dévasté par la mort de son épouse adorée et par l’alcool que ce décès lui a fait découvrir. Tout d’abord la grand-mère une maitresse femme ne s’embarrassant pas d’amour maternel ensuite une sœur de seize ans son ainée et on ajoute un frère de dix-huit plus âgé. Tous les deux ont vu l’arrivée d’un petit frère d’un mauvais œil car il fallait partager l’héritage. L’’école il aimait même s’il y avait plus de quatre kilomètres pour s’y rendre et que l’hiver les pieds s’enfonçant dans la neige, il fallait bien garder les mains dans poches garnies de pomme de terre chaudes, patates qui servirait de repas de midi. Le soir c’était chez une cousine qu’il logeait car le père partait chaque année installer le gaz à Paris. Cette période, il en a dit être sauvageonne, courant dans les bois, grimpant aux arbres au risque de dénicher les oiseaux, construisant des barrages des moulins, piaffant dans le ruisseau qui courait devant la sabotière de de son père.

Pourtant, jamais je ne l’ai entendu se plaindre. Plus tard placé dans une grande ville de la Loire il y fit ses classes chez les Curés. Période qu’il a toujours vénéré ; il avait soif d’apprendre. Plus tard la guerre ! jamais il n’a raconté les camps de prisonniers. Au retour, il a épousé la femme de sa vie et fut heureux.

Pourtant il fut tant spolié de son héritage. Ses frères et sœurs se sont servi copieusement, profitant de la faiblesse paternelle et n’ont laissé que la fameuse sabotière. Une bâtisse minuscule comprenant une seule pièce, un étage et un grenier ! Et pourtant c’était son bonheur !

Et voilà, la vie s’en est enfuie laissant derrière lui cette sabotière ! mais qu’allait-elle devenir ? Le fils ainé n’a aucun intérêt pour ce coin d’Auvergne, la fille cadette ne pense qu’au fric et des rénovations lui ferait ouvrir trop largement son portefeuille, quant au benjamin, il garde un intérêt certain garde pêche et chasse sont les mamelles de sa retraite ; mais on ne touche à rien. Ils décidèrent pourtant de garder la « maison » et donc un indivis. Difficile quand les intérêts ne convergent pas.

Alors on ne touche à rien ! Sa casquette, ses lunettes, la pendule de sa défunte épouse la pile de mots croisés et le dictionnaire encore ouvert à la dernière page consultée sont les derniers indices de la vie de cet homme. On ne touche rien on vit autour !

 

Lettre / K

 


 

 

Cher ami,

Je vous remercie de votre carte reçue hier qui s’inquiétait de ma santé.  

Je vais très bien et je vous adresse à mon tour ces quelques lignes qui vous trouveront je l’espère au mieux.  

Car je ne peux résister à la nouvelle que mes travaux de recherche avancent bien, et même très bien, si bien qu’il n’est pas imprudent d’en annoncer la proche conclusion.

Sachez que d’indice en indice j’ai remonté le fil. Ma longue quête touche à sa fin, je le sais, je le sens.

J’ai retrouvé le temps perdu.

Avec toute mon affection,

Marcel  

 

Un homme recherché / Jill Bill

 

 

 

Une horloge de voyage

Un calepin, un vieux dico,

Une paire de lunettes... rien d'autre... ?

 

Non inspecteur !

Pas d'argent, pas de papiers...

 Demandons à l'accueil de l'hôtel...

 Mon client s'est volatilisé, hier, sans payer sa note !!!

 Et sous quel nom l'avez-vous enregistré... ?

 Monsieur Landru, Désiré Landru...

 

 Nous sommes sur la bonne voie...

Le meilleur indice,

Son vrai nom !

 

 En piste mes limiers...