02 septembre 2023

Le père / Lilousoleil

 


 

 

Petit village d’Auvergne. Village que dis-je un hameau perdu au milieu des volcans éteints. Il a vécu ici son enfance. Orphelin de mère dès dix mois, élevé à la dure et à la  diable entre son père dévasté par la mort de son épouse adorée et par l’alcool que ce décès lui a fait découvrir. Tout d’abord la grand-mère une maitresse femme ne s’embarrassant pas d’amour maternel ensuite une sœur de seize ans son ainée et on ajoute un frère de dix-huit plus âgé. Tous les deux ont vu l’arrivée d’un petit frère d’un mauvais œil car il fallait partager l’héritage. L’’école il aimait même s’il y avait plus de quatre kilomètres pour s’y rendre et que l’hiver les pieds s’enfonçant dans la neige, il fallait bien garder les mains dans poches garnies de pomme de terre chaudes, patates qui servirait de repas de midi. Le soir c’était chez une cousine qu’il logeait car le père partait chaque année installer le gaz à Paris. Cette période, il en a dit être sauvageonne, courant dans les bois, grimpant aux arbres au risque de dénicher les oiseaux, construisant des barrages des moulins, piaffant dans le ruisseau qui courait devant la sabotière de de son père.

Pourtant, jamais je ne l’ai entendu se plaindre. Plus tard placé dans une grande ville de la Loire il y fit ses classes chez les Curés. Période qu’il a toujours vénéré ; il avait soif d’apprendre. Plus tard la guerre ! jamais il n’a raconté les camps de prisonniers. Au retour, il a épousé la femme de sa vie et fut heureux.

Pourtant il fut tant spolié de son héritage. Ses frères et sœurs se sont servi copieusement, profitant de la faiblesse paternelle et n’ont laissé que la fameuse sabotière. Une bâtisse minuscule comprenant une seule pièce, un étage et un grenier ! Et pourtant c’était son bonheur !

Et voilà, la vie s’en est enfuie laissant derrière lui cette sabotière ! mais qu’allait-elle devenir ? Le fils ainé n’a aucun intérêt pour ce coin d’Auvergne, la fille cadette ne pense qu’au fric et des rénovations lui ferait ouvrir trop largement son portefeuille, quant au benjamin, il garde un intérêt certain garde pêche et chasse sont les mamelles de sa retraite ; mais on ne touche à rien. Ils décidèrent pourtant de garder la « maison » et donc un indivis. Difficile quand les intérêts ne convergent pas.

Alors on ne touche à rien ! Sa casquette, ses lunettes, la pendule de sa défunte épouse la pile de mots croisés et le dictionnaire encore ouvert à la dernière page consultée sont les derniers indices de la vie de cet homme. On ne touche rien on vit autour !

 

4 commentaires:

  1. Ah les héritages, vaste débat ou roman....

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  2. Un choix.
    Figé.
    Enquête terminée.

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  3. INDIVIS en 7 lettres: Qu'on ne partage pas ... mais merci d'avoir partagé ce texte qui donne à réfléchir

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  4. Merci pour ce texte fort et poétique même s'il est cruel (mais pour autant réaliste) avec la nature humaine.

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