La femme lui a ouvert la porte, et l’autre lui a lâché la main en disant : « Vous savez, il ne parle pas ». Le petit a fait le tour de la pièce, a effleuré du bout des doigts un ours en peluche dans la caisse de jouets, sans un regard pour le ballon ou les petites voitures, et il s’est arrêté devant la petite table sur laquelle il y avait une grande boîte de crayons de couleurs et des feuilles de papier blanc. Il a levé les yeux vers la femme, elle lui a fait un ample signe du bras avec un sourire, et il s’est assis.
Il a choisi minutieusement quelques crayons et a fait un cercle marron tout en haut à gauche de la feuille, qu’il a complété de traits un peu tremblés. Un personnage prenait vie. Il lui a donné de longs cheveux bleus, deux gros points verts pour les yeux et un trait rouge épais pour la bouche. Une sorte de gros tourbillon violet a habillé le corps et une fleur orange est apparue dans la griffe d’une main.
Dans le coin en bas à droite, il a jeté avec rage des tas de ronds noirs qui s’empilaient, se chevauchaient, d’où pointaient de longs traits marrons. Puis il avait gribouillé le tout jusqu’à ne presque plus voir le dessin, et dans l’espace vide de la page il a crayonné de ses doigts crispés de grands lacets rouges zébrés d’éclairs noirs. Alors il a posé les crayons, ses mains tremblaient et son front était couvert d’une fine sueur.
« Tu as fini ? » a demandé la femme accroupie près de lui. Il a hoché la tête en lui tendant le papier qu’elle a longuement regardé avant de remarquer : « Pourquoi tu n’as pas pris un crayon jaune ? Tu aurais pu faire un beau soleil… ». « Plus soleil » a répondu l’enfant. Elle a reposé la feuille sur la table et a désigné le premier dessin du bout du doigt en regardant gravement le gamin. Il a soufflé « Mama ». Sans quitter le petit du regard elle a glissé son doigt jusqu’au coin opposé. « Et ça ? ». Alors il a crié : « Soldats !.. Eux tuer Mama, eux tuer tous ! » Il a craché sa douleur avant de s’effondrer en pleurs. Comme elle le prend dans ses bras pour le consoler, il murmure à son oreille entre deux hoquets : « Toi brûler crayons, mauvaises couleurs… ».
N'oublions pas qu'il y a des mômes qui vivent toujours cela... hélas ! JB
RépondreSupprimerPartout et de plus en plus...
SupprimerQuand on n'a plus les mots, le dessin est un moyen d'exprimer toutes les émotions. Beau texte, triste réalité !
RépondreSupprimerMerci copine !
SupprimerTragique.
RépondreSupprimerMais, bien accompagné, il a pu "dire".
Merci, K.
SupprimerEnfin il a pu s exprimer et expulser une violence extrême
RépondreSupprimerEspérons qu'il pourra un jour redonner des couleurs à sa vie...
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