02 novembre 2024

TRIBULATIONS D’UNE NOIX / J.Libert

 

    « Je suis tombée de l’arbre un beau matin d’automne. Ma bogue verte et souple a durement éclaté et je me suis retrouvée presque nue sur le sol. Heureusement, ma coque dure et ronde m’a fait rouler dans la rigole du trottoir et là, il fallait y mettre du désir, de la bonne volonté pour m’écraser d’un seul pas de promeneur.

 
    Je croyais me dessécher seule et isolée, à peine remarquée, quand un livreur de pommes déchargea la moitié  de son sac percé sur le bitume, près de la maison de Sire Walter à qui était destinée la livraison. On me récupéra  dans un panier avec les fruits qui avaient subi quelques bosses en tombant.
 
    Tout étonnée de me trouver au milieu de ses pommes,  la femme de service m’observa d’abord attentivement se demandant si elle devait immédiatement me tirlipoter  et me déguster miette par miette ou me mettre de côté et décider plus tard de mon sort.
 
    Je dirais que je n’en menais pas large sachant, qu’un jour ou l’autre, comme toutes les autres noix que j’avais connues, je finirais ma vie entre les deux bras d’une pince de torture impitoyable : le casse noix. J’avais souvent entendu le bruit sec et assassin qu’il faisait au contact  de notre coque pour libérer l’amande à la forme si caractéristique et au goût si incomparable.
 
    Au cours d’une séance d’épluchage des pommes, je me glissai sous les épluchures et me retrouvai à la poubelle. Ravigotée c’était, pour moi, le moindre mal. Avec un peu d’ingéniosité, je pouvais, à nouveau, me retrouver à l’air libre. Tout, plutôt que de mourir en mille miettes sous la pince ou les dents des gourmands.
 
    Je restai longtemps parmi les immondices pourrissant à loisir et pensais terminer, là, ma vie de noix inutile quand un jeune garçon d’une ferme voisine me dénicha. Il me ramassa dans sa musette au milieu d’un bric à brac de bonbons acidulés, de sucettes colorées. Il eut la bonne idée de m’enfouir dans la terre, dans un angle du champ de pommes de terre de son père au milieu duquel poussait une petite plante rare : l’astragale, sensée stimuler l’immunité.
 
    Aujourd’hui, vingt ans après, je suis un noyer merveilleux et l’enfant, devenu adulte, contemple avec plaisir et fierté mes branches porteuses d’une nombreuse descendance. »

5 commentaires:

  1. Le parcours du combattant pour conclure comme un grand!

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  2. Et auprès de son arbre, il vécut heureux !

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  3. Il y en a à l'intérieur d'une noix !

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  4. on n'a pas toujours la chance de bien commencer sa vie...mais elle n'en reste pas moins porteuse de fruits !

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  5. Faut du talent pour imaginer, à partir des mots proposés, l'histoire d'une noix et d'un noyer ! Ce n'était pas vraiment ce qui me venait spontanément à l'esprit...mais c'est très réussi !

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