« Je suis
tombée de l’arbre un beau matin d’automne. Ma bogue verte et souple a durement
éclaté et je me suis retrouvée presque nue sur le sol. Heureusement, ma coque
dure et ronde m’a fait rouler dans la rigole du trottoir et là, il fallait y
mettre du désir, de la bonne volonté pour m’écraser d’un seul pas de
promeneur.
Je croyais me
dessécher seule et isolée, à peine remarquée, quand un livreur de pommes
déchargea la moitié de son sac percé sur
le bitume, près de la maison de Sire Walter à qui était destinée la
livraison. On me récupéra dans un panier
avec les fruits qui avaient subi quelques bosses en tombant.
Tout étonnée de me
trouver au milieu de ses pommes, la femme de service m’observa d’abord
attentivement se demandant si elle devait immédiatement me tirlipoter et me déguster miette par miette ou me mettre
de côté et décider plus tard de mon sort.
Je dirais que je
n’en menais pas large sachant, qu’un jour ou l’autre, comme toutes les autres
noix que j’avais connues, je finirais ma vie entre les deux bras d’une pince de
torture impitoyable : le casse noix. J’avais souvent entendu le bruit sec
et assassin qu’il faisait au contact
de notre coque pour libérer l’amande à la forme si caractéristique et au
goût si incomparable.
Au cours d’une
séance d’épluchage des pommes, je me glissai sous les épluchures et me
retrouvai à la poubelle. Ravigotée c’était, pour moi, le moindre mal.
Avec un peu d’ingéniosité, je pouvais, à nouveau, me retrouver à l’air libre.
Tout, plutôt que de mourir en mille miettes sous la pince ou les dents des
gourmands.
Je restai longtemps
parmi les immondices pourrissant à loisir et pensais terminer, là, ma
vie de noix inutile quand un jeune garçon d’une ferme voisine me dénicha. Il me
ramassa dans sa musette au milieu d’un bric à brac de bonbons acidulés,
de sucettes colorées. Il eut la bonne idée de m’enfouir dans la terre,
dans un angle du champ de pommes de terre de son père au milieu duquel poussait
une petite plante rare : l’astragale, sensée stimuler l’immunité.
Aujourd’hui, vingt
ans après, je suis un noyer merveilleux et l’enfant, devenu adulte, contemple
avec plaisir et fierté mes branches porteuses d’une nombreuse
descendance. »
Le parcours du combattant pour conclure comme un grand!
RépondreSupprimerEt auprès de son arbre, il vécut heureux !
RépondreSupprimerIl y en a à l'intérieur d'une noix !
RépondreSupprimeron n'a pas toujours la chance de bien commencer sa vie...mais elle n'en reste pas moins porteuse de fruits !
RépondreSupprimerFaut du talent pour imaginer, à partir des mots proposés, l'histoire d'une noix et d'un noyer ! Ce n'était pas vraiment ce qui me venait spontanément à l'esprit...mais c'est très réussi !
RépondreSupprimer