En descendant du
train, elle a relevé le col de sa parka et pénètre dans la boulangerie de
son quartier, paradis d’où s’exhalent des odeurs familières de
viennoiseries qui la mettent en appétit. Elle renoue avec la mémoire
olfactive des lieux de son enfance. Ses lunettes s’embuent à cause de la
différence de température entre l’air chaud de l’intérieur et la froidure
hivernale. Elle les essuie minutieusement tout en salivant à la vue des
dizaines de gâteaux colorés en rose fraise, en vert pistache, en marron
café ou chocolat. Et voilà, elle y voit déjà plus clair !
Sur le pas de la
porte, comme tous les dimanches, l’homme est là, assis en tailleur. Il porte un
anorak de marque, d’un gris délavé, sans doute un héritage de vêtements
délaissés après avoir satisfait un caprice d’achat. Au travers de son jean
effiloché en entier au niveau des genoux émergent quelques uns de ses
poils bien noirs laissant supposer qu’il n’a pas 50 ans ; en lui jetant un
rapide coup d’œil, c’est l’âge approximatif qu’on peut lui donner.
Ce matin, avec -3
degrés, une petite gelée blanche recouvre les massifs situés devant le
commerce. Pour se protéger, notre héros du froid a rabattu sa capuche et
croise ses bras sur sa poitrine, les mains cachées sous ses aisselles tièdes.
Il ne quémande
pas ; il regarde chacun aller et venir le long du trottoir, entrer et
sortir de la boulangerie, les bras chargés de baguettes et de gâteaux du jour.
L’homme n’est pas triste, pas renfrogné, semble même prendre grand plaisir à
suivre du regard les évolutions des uns et des autres comme si personne ne lui
était étranger ou indifférent. Avec un demi sourire au coin des lèvres,
à ceux qui lui disent bonjour, il répond par un signe de tête appuyé et
déférent.
On se demande si on
ne lui ferait pas affront en déposant de la monnaie dans sa sébile tant il
semble attendre quelque chose d’un autre ordre.
peut être un croissant...
RépondreSupprimerIl n'y a pas plus noble qu'un mendiant qui ne quémande pas. J'aime cette histoire. Meilleurs voeux, J.Libert
RépondreSupprimerLa véritable richesse de la vie se mesure à la chaleur humaine partagée.
RépondreSupprimerKeremma
Un très beau récit, à la mesure de ce que vous "nous" écrivez depuis quelques mois !
RépondreSupprimerMerci !