28 octobre 2023

Mouvement de fond / La Licorne

 



2035.

Cela faisait déjà une vingtaine d'années que l'on avait entrepris de rebaptiser tout ce qui, de près ou de loin, pouvait offusquer ce que l'on appelait les "minorités".

Au début, le changement avait été discret, presque invisible. On s'était à peine aperçu que le titre du roman "Dix petits nègres" d'Agatha Christie avait été remplacé par : "Ils étaient dix". Et puis, bon, le mot "nègre", n'est-ce pas...on n'allait quand même pas le défendre. Cela faisait déjà bien longtemps que Banania avait renoncé à son "Y'a bon" et que l'on mangeait des "têtes-choco“ ou des ”boules meringuées".

Mais petit à petit, le mouvement avait pris de l'ampleur. On avait commencé à ne plus supporter ce qui ressemblait à de l'anti-féminisme. On avait, par exemple, interdit “Les femmes savantes” de Molière, sous prétexte qu'il les caricaturait un peu trop.

On avait ôté des écoles tous les manuels qui représentaient une mère en tenue de ménagère ou en bigoudis, en train de repasser ou de raccommoder. Idem avec la BD “Tintin” : trop de personnages masculins, elle ne respectait pas la parité.

Enfin, on avait fini par évacuer des bibliothèques tous les livres datant d'avant le début du 20ème, qui montraient des femmes au foyer, soumises et sans droit de vote. Cela fait, il ne restait certes pas grand-chose. Quelques livres d'aventure et des manuels pratiques. Mais le 21ème siècle compte bien assez de romanciers talentueux pour qu'on puisse s'en passer, nous avait-on expliqué.

Ensuite, avec application, on avait décidé de rééditer la plupart des ouvrages qui ne satisfaisaient pas aux nouvelles règles grammaticales : métiers féminisés, écriture inclusive, pronom “iel”...etc.

Certains s'étaient plaint du peu de lisibilité de ces phrases aux multiples accords...mais on les avait traités de ringards. Ringards, ils l'étaient, d'ailleurs, par le seul fait de lire encore...des ouvrages complets, ce que plus personne ne faisait. La grande majorité se contentait depuis longtemps de courts extraits, cités sur internet.

Ces dernières années, les lobbys avaient obtenu plus encore : la réécriture de tout ce qui ne contenait pas au moins un passage louant les mérites de la communauté LGBTQIA+++. Même le cinéma avait été touché : tout film devait désormais comporter un personnage de couleur, un personnage en surpoids, une personne handicapée, un vieux, un gay, un trans et une lesbienne.

Enfin, sur tous les livres d'enfant illustrés avec des licornes et des arcs-en-ciel, on avait ajouté la mention : "Ce logo est la propriété exclusive du mouvement LGBT".

Dernièrement, nous avons appris que le ministère avait énoncé une autre mesure : toutes les histoires comportant le mot “fin” seront bientôt retirées des rayons.

Pourquoi ? Paraît que ça discrimine les “gros” !

 



12 commentaires:

  1. Si la littérature n'est plus le lieu de l'aventure et des idées......... Nous sommes perdus! Au secours!

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    1. Oui...au secours !
      La littérature est le lieu de l'expression libre...
      c'est pourquoi, elle est dangereuse !

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    1. Ben , Josette, quelle mentalité !
      Pense aux suivants...:-))

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  3. J'adore ! Ta manière d'écrire est réjouissante. Le sujet ne soulève pour l’instant, à mon goût, pas assez de réprobation. Cette uniformisation sous prétexte de bien pensance est dramatique.

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    1. On ne se méfie jamais assez de la bienpensance ...
      qui souvent, n'est qu'un paravent , un prétexte...
      (ici, pour censurer à tout va et faire disparaître une partie de la culture)
      La Licorne

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  4. Excellent et tellement vrai ! Je suis resté sur ma fin :)

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    1. :-)
      Parfois, on aimerait se réveiller et se dire que ce n'est pas "vrai"...

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  5. Il s'agit en quelque sorte, en étant faussement "moderne et bienveillant" mais brutal et dénué de sens commun, de faire disparaître les "minorités" plutôt que de les prendre en compte. Ce qui n'a plus de mot exact pour être nommé disparaît.

    Et en passant, envoyer l'histoire aux oubliettes. Une paille.

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    1. Il s'agit de faire disparaître ce qu'il y a de "plus haut" dans la pensée, et de niveler la culture par le bas...
      Si les gens ne lisent plus, ils perdent du vocabulaire, et ils "pensent" moins bien (du Orwell pur jus, quoi ! Y compris dans l'effacement de l'histoire).

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  6. Désolée pour les réponses ci-dessus non signées: c'était La Licorne (qui a quelques soucis pour s'identifier).
    La Licorne

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  7. 2035, pas si loin que cela, on peut tout imaginer, même en librairie ,-) jill

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