Ode à l'orange partagée / Marie Sylvie

 

Dans une assiette blanche, repose un demi-sourire, 

Un morceau d'orange, plein de douce lumière. 

La fraîcheur, la récompense après l'effort, 

L'instant de partage où le goût réconforte. 

La pulpe éclate, juteuse, sous la dent, 

Évoquant des moments attendrissants.

La douce odeur d'agrume, un parfum enivrant, 

Rappelle la simplicité des plaisirs d'antan. 

Ta main habile, mon cher compagnon, 

Prépare avec soin ce fruit, ce don,

Car mes bras fatigués ne peuvent plus œuvrer 

Mais ton geste tendre me permet de savourer. 

Le couteau à agrume, posant là son tranchant,

Me réveille l'arthrose et la lutte du dedans.

Mais la blancheur de l'assiette m'invite à déguster, 

Un moment de bonheur, un plaisir retrouvé.

Boire un litre de jus pour accomplir l'ouvrage, 

Trouver la force dans cet humble abreuvage.

Une maigre récompense, une lutte pour vivre, 

Chaque goutte d'orange, une victoire à revivre. 

La ceinture, fouet du négrier, symbole du labeur, 

Marque les souvenirs, douleureux, pleins de peur.

Pour atteindre ma tâche et garder mon emploi, 

Je buvais ce litre , jour après jour, tel un exploit. 

La moitié de l'orange, celle que l'on ne voit pas,

Est complice de mon invalidité, souvenir de mes tracas. 

L'arthrose dans mon corps, résultat du dur emploi,

Et ce couteau posé là, remémore la lutte de chaque fois. 

Aujourd'hui, éreintée, je trouve en cette assiette 

Un rappel doux-amer, une moité d'orange qui m'arrête. 

Je ne dois pas être fâchée car malgré l'épuisement,

Elle nourrit encore mon corps, un soutien bienveillant. 

Chaque tranche d'orange, douce réminiscence 

Laisse une clarté nouvelle, une paisible récompense. 

Chaque bouchée, une évasion, une danse des saveurs, 

Un hommage à la vie, à ses petites douceurs. 

Et dans ce simple geste, se cache une grandeur, 

Une histoire d'amour, de soutien, de valeur. 

Alors, je savoure, lentement, chaque instant,

Reconnue dans mon être, aimée pleinement. 

Et l'orange, dans l'assiette, symbole éclatant, 

Devient un poème d'amour, écrit en goût et en temps.