La romance de l'orange et du couteau
Dans une cuisine baignée par la lueur dorée du matin, un couteau aiguisé à
la lame scintillante reposait sur le plan de travail. Il était fier, robuste,
mais portait en son cœur de métal une solitude qu'aucune coupe ne pouvait
trancher, comme une ceinture
invisible le serrant de l'intérieur.
À côté de lui, dans une assiette de fine porcelaine de Limoges, se trouvait
une orange à la peau lisse et vibrante, un soleil miniature capturant la
lumière. Elle était ronde, douce et débordante de jus et de mystères.
Le couteau l'observait, fasciné. « Quelle créature radieuse », pensait-il.
Mais il savait que leur destin était cruel : il était conçu pour la couper,
pour déchirer sa peau et révéler son intérieur juteux. Une part de lui en
frémissait, entre l’excitation de la découverte et la culpabilité de ce qu’il
était sur le point de faire.
L'orange, de son côté, sentait le regard du couteau. Elle avait entendu des
histoires dans le bol, des murmures sur ce qu'il faisait aux siens. Pourtant,
elle était intriguée. Sa présence était froide, tranchante, mais il y avait
dans cet éclat argenté une sorte de beauté brutale qu’elle ne pouvait ignorer.
Un jour, le couteau trouva le courage de lui parler.
— Orange, douce sphère solaire, je suis fasciné par toi. Mais je crains que
notre rencontre ne soit que destruction.
L’orange, touchée par cette confession, répondit doucement :
— Couteau, noble lame, je sais quel est ton rôle. Mais peut-être que dans la
déchirure, il y a aussi une vérité, une union que nous ne comprenons pas
encore.
Le couteau frissonna. « Union », murmura-t-il. Et alors, avec une
délicatesse infinie, il entama sa danse. Il effleura la peau de l’orange, traça
des courbes qui révélèrent la pulpe lumineuse en dessous. L’orange se sentit
vulnérable, mais étrangement vivante, comme si chaque entaille lui donnait une
voix qu’elle n’avait jamais eue.
Quand enfin l’orange fut ouverte, son parfum emplit l’air, envahissant la
cuisine d’une douce chaleur. Le couteau contempla son œuvre, bouleversé par la
beauté qu’il avait révélée mais aussi par le sacrifice qu’elle représentait.
— Merci, murmura l’orange. Maintenant, je suis partagée, mais je suis plus
que ce que j’étais.
Le couteau ne répondit pas, mais il sut qu’en cet instant fugace, ils
avaient partagé quelque chose d’unique. Une union dans l’acte, une éphémère
étincelle de complicité dans la grande tragédie de leur existence.
Et ainsi, dans la cuisine baignée de lumière, le couteau et l'orange
trouvèrent leur propre forme d’amour — poignante, douce, et pleine de sens.
En voilà un joli conte, un couteau peut aimer.... ;-) lui qui d'habitude "tue".... jill
RépondreSupprimerUne tragique histoire d'amour née d'un esprit affûté !
RépondreSupprimerBeau mais tragique amour
RépondreSupprimerImprobable rencontre. Pourtant Elle fut.Bravo!
RépondreSupprimerUn superbe exercice d'équilibriste que cette belle histoire. Jolie trouvaille !
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