14 décembre 2024

La romance de l'orange et du couteau/Lilousoleil

 La romance de l'orange et du couteau




Dans une cuisine baignée par la lueur dorée du matin, un couteau aiguisé à la lame scintillante reposait sur le plan de travail. Il était fier, robuste, mais portait en son cœur de métal une solitude qu'aucune coupe ne pouvait trancher, comme une ceinture invisible le serrant de l'intérieur.

À côté de lui, dans une assiette de fine porcelaine de Limoges, se trouvait une orange à la peau lisse et vibrante, un soleil miniature capturant la lumière. Elle était ronde, douce et débordante de jus et de mystères.

Le couteau l'observait, fasciné. « Quelle créature radieuse », pensait-il. Mais il savait que leur destin était cruel : il était conçu pour la couper, pour déchirer sa peau et révéler son intérieur juteux. Une part de lui en frémissait, entre l’excitation de la découverte et la culpabilité de ce qu’il était sur le point de faire.

L'orange, de son côté, sentait le regard du couteau. Elle avait entendu des histoires dans le bol, des murmures sur ce qu'il faisait aux siens. Pourtant, elle était intriguée. Sa présence était froide, tranchante, mais il y avait dans cet éclat argenté une sorte de beauté brutale qu’elle ne pouvait ignorer.

Un jour, le couteau trouva le courage de lui parler.

— Orange, douce sphère solaire, je suis fasciné par toi. Mais je crains que notre rencontre ne soit que destruction.

L’orange, touchée par cette confession, répondit doucement :

— Couteau, noble lame, je sais quel est ton rôle. Mais peut-être que dans la déchirure, il y a aussi une vérité, une union que nous ne comprenons pas encore.

Le couteau frissonna. « Union », murmura-t-il. Et alors, avec une délicatesse infinie, il entama sa danse. Il effleura la peau de l’orange, traça des courbes qui révélèrent la pulpe lumineuse en dessous. L’orange se sentit vulnérable, mais étrangement vivante, comme si chaque entaille lui donnait une voix qu’elle n’avait jamais eue.

Quand enfin l’orange fut ouverte, son parfum emplit l’air, envahissant la cuisine d’une douce chaleur. Le couteau contempla son œuvre, bouleversé par la beauté qu’il avait révélée mais aussi par le sacrifice qu’elle représentait.

— Merci, murmura l’orange. Maintenant, je suis partagée, mais je suis plus que ce que j’étais.

Le couteau ne répondit pas, mais il sut qu’en cet instant fugace, ils avaient partagé quelque chose d’unique. Une union dans l’acte, une éphémère étincelle de complicité dans la grande tragédie de leur existence.

Et ainsi, dans la cuisine baignée de lumière, le couteau et l'orange trouvèrent leur propre forme d’amour — poignante, douce, et pleine de sens.

 


5 commentaires:

  1. En voilà un joli conte, un couteau peut aimer.... ;-) lui qui d'habitude "tue".... jill

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  2. Une tragique histoire d'amour née d'un esprit affûté !

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  3. Improbable rencontre. Pourtant Elle fut.Bravo!

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  4. Un superbe exercice d'équilibriste que cette belle histoire. Jolie trouvaille !

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