Quand
Eva traversa le salon de cette fermette de campagne que l’agent immobilier lui
faisait visiter en vue d’un premier achat, elle fut saisie par l’odeur de
poussière. C’était une poussière grise, sale, accumulée au fil des années,
immobile, tenace et grasse. Les longues tentures de velours bordeaux sombre
montaient la garde de chaque côté des portes fenêtres pour empêcher les rayons
du soleil d’éclairer ce qui devait rester secret. Près de l’âtre où ne
brûlaient plus les bûches des vieux chênes, deux fauteuils, recouverts d’un
damassé vert feuille, avaient dû accueillir bien des dos fatigués. Une commode
et une armoire en acajou complétaient ce décor très austère d’un autre temps.
Il était clair que rien n’avait bougé dans cette pièce depuis des lustres.
Eva s’approcha d’une des portes fenêtres, écarta les
tentures d’un geste ample et vif et ouvrit les battants. Un air frais ,
lumineux, pénétra dans la pièce.
Sous ses yeux, s’étalait un jardin à la pelouse
joliment entretenue ; elle descendait en cascade vers des parterres
fleurissant dans un fouillis organisé. Là, s’épanouissaient des cosmos aux
tendres couleurs, des ancolies au milieu de fougères, de roses anciennes
blanches et roses, de rhododendrons mauves, de camélias joufflus.
Une glycine de plusieurs dizaines d’années, exubérante
et folle, courait sur les murs de pierre, au-dessus des portes fenêtres de la
fermette et du petit appentis situé à proximité. Ses lourdes grappes
commençaient à fleurir emplissant l’air de leur parfum sucré.
Il y avait, là, un enclos de verdure assez
intimiste pour y prendre ses repas sur une table et des bancs de bois
encore installés.
Eva découvrait ce jardin avec ravissement, respirant
avidement l’odeur fine et puissante qui arrivait , maintenant, dans les coins
les plus reculés du salon.
Tout à l’heure, elle voulait prendre les jambes à son
cou, s’éloigner de cet endroit qui suintait l’ennui et la tristesse, mais, à
cet instant, séduite par la luxuriance extérieure, elle aurait offert ce
qu’elle avait de plus précieux pour couler, là, des heures paisibles et
lumineuses jusqu’au dernier jour de sa vie.
L'extérieur est déjà tout un poème, à voir l'intérieur... tout peut se changer ! JB
RépondreSupprimerIl y a parfois des revirements inéluctables!
RépondreSupprimerLe plus important est dehors, le reste n'est que détail !
RépondreSupprimerUne belle ouverture pleine de fraîcheur.
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