20 janvier 2024

Jeter la clé / Fredaine

 



Il s'était bien juré de n'y plus revenir. Trop de souvenirs étaient attachés à ce lieu. 
De ces souvenirs de petit garçon tirant sur le tablier de sa grand-mère pour réclamer un biscuit tout juste sorti du four. Un de ces délicieux biscuits dont l’odeur envahissait la maison le dimanche matin et le faisait sauter du lit et descendre en courant, même les jours les plus froids où la température avoisinait les 15° malgré le feu dans la cheminée.
Cette grand-mère si douce, si tendre, qui avait pris soin de lui, grâce à qui il était devenu enseignant tant elle lui avait transmis le goût des livres et celui de la découverte. Elle lui en a raconté des histoires, toutes plus fantastiques les unes que les autres. Elle lui a aussi appris à observer,  à écouter, à sentir, à toucher sans abîmer. 
Ils ont vécu mille et une aventures derrière cette porte et dans le petit jardin qui se cachait derrière la maison. Pas une plante, pas une bestiole qui lui fut inconnue.

Et puis, le temps avait fait son œuvre. Il était parti étudier. Elle avait vieilli. Il revenait souvent passer le week-end avec elle. C'est lui alors qui lui racontait des histoires. Un dimanche matin, il n'avait pas senti la bonne odeur des biscuits monter jusqu'à sa chambre...
Il avait dû vider la maison du peu de biens qu’elle possédait. Ses livres surtout mais aussi ses recettes qu'elle avait noté dans un joli cahier. Quand tout fut fini, il avait fermé la porte et jeté la clé derrière le mur du jardin. Il savait que la maison allait être rasée, il avait trouvé la lettre dans une poche de son tablier.

7 commentaires:

  1. J'aime beaucoup la pudeur de ton texte ; la manière dont tu évoques la mort de la grand'mère. Mais au fait être enseignant c'est encore un métier qui fait vibrer ! Je le souhaite mais...

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  2. une porte définitivement fermée...reste les cendres dans le coeur !

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  3. Beaucoup de petites touches très sensibles, nostalgie, et se souvenir de ce qui hélas ne sera plus.

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  4. une bien douce et pudique évocation, des biscuits/ madeleines pour le narrateur

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  5. Un joli texte plein de nostalgie, de mélancolie et de tendresse.
    Keremma

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  6. Merci beaucoup pour vos commentaires qui me touchent.

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