Ginette rongeait son frein. Elle avait bien ouvert le premier bouton de
son chemisier en soie qui laissait paraître juste ce qu’il fallait et où il
fallait ; une attitude toute symptomatique
de la fille qui veut draguer. Elle,
petite secrétaire du DRH, avait été invitée au forum des entreprises. Peu
intéressée par les badauds qui s’agglutinaient devant son stand, elle avait
vite repéré que Guillaume, consultant maison
de la boite. Il avait des arguments autres que professionnels.
Cela faisait un bout de temps qu’elle ramait pour le rencontrer alors là, elle atteignit la moitié du Nirvana, l’autre moitié consistant…. Depuis quatre jours, elle épiait ses habitudes, guettait ses pas dans les couloirs et ses stations au bar. Quand elle l’avait vu se diriger vers l’ascenseur, elle s’était précipitée pour entrer dans la cabine, abandonnant sa pêche Melba. Las, la cage était minuscule et maintenant, pressée contre la paroi métallique qui lui gelait les fesses, elle luttait pour ne pas frôler ce vieux chameau de Dédé sentant la sueur mêlée aux effluves d’un déodorant citronné bon marché. Encombrée de son sac à main qu’elle tenait, serré contre sur sa poitrine, pour cacher l’échancrure du corsage qu’elle avait eu tant de mal à rendre affriolante. Son grand jeu de séduction tournait en eau de boudin.
Cet intrus gâchait tout. Elle avait tant espéré poser ses jalons. Elle
imaginait sa vie future avec ce
grand Guillaume. Elle savait par Lulu, son amie
et secrétaire de la compta qu’il était « seul ». Mais attention, inutile de t’embarquer dans cet esquif, cela ne te rapportera rien, lui
avait-elle conseillé, il est de la contre allée ; fi donc, avait murmuré
Ginette, elle lui ferait décrocher la lune.
Elle avait imaginé un scénario original comme laisser tomber ses clefs, son sac à main, un livre, un mouchoir enfin quelque chose. 'Elle jeta un œil à sa montre bracelet ; elle en avait un peu honte, elle avait gagné ce bijou en participant à la « Valise de madame RTL ». Pas de chance, pas de valise, ni de voyage ni les mille euros, juste la consolation d’avoir « causé avec Laurent R » et une montre. Nous étions au quatrième. Le chameau grimaçait comme un singe. Il lui restait encore huit étages à monter comme à Guillaume d’ailleurs mais elle avait fort envie de descendre au prochain arrêt. Elle ne serait jamais prête pour le briefing de 21h. C’est alors que l’ascenseur se mit à exécuter un drôle de danse. Il montait et descendait au gré des appels des clients pressés d’aller dîner ; comme la cabine était pleine comme un œuf, personne ne montait. Finalement à sa grande surprise Guillaume sortit de cet enclos. Restée seule avec le vieux chameau, Ginette hésita ; soit elle lui collait une mandale directement soit…Ouf le chameau sortit à l’étage suivant. Elle pensa à Guillaume, le beau Guillaume allait revenir, tel un chevalier servant, défendant la veuve et l’orphelin. La porte s’ouvrit brusquement ; elle resta bouchée bée. Le sang afflua puis se retira de son visage et elle frissonna malgré la chaleur confinée.
Pauvre Ginette, il lui fallut une dizaine d’étages pour réaliser qu’elle avait vu, oui vu de ses yeux, vu, le vieux chameau grimaçant, embrasser goulûment Guillaume… Ah non ça Ginette ne pouvait l’imaginer…
Oups, quelle désillusion....
RépondreSupprimerSurprise... ah qui se fier !
RépondreSupprimerPour une chute, c'est une chute vertigineuse ...
RépondreSupprimerOn ne se méfie jamais trop de l'ascenseur ;-)
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