04 juin 2022

L'Arbre de vie - Jamadrou

Dans le cœur de l'arbre j'ai vu un trou
ma curiosité a poussé ma main 
à entrer
J'ai senti de la mousse
douceur et moiteur
mes doigts essayaient de découvrir qu'elle était
cette forme lisse résistante rigide
avec des pleins et des déliés
du fin et du rond
des formes que mes doigts caressaient pour deviner
deviner deviner
oui,  seul un devin pourrait me dire vraiment ce que je touchais
étrange sensation
du dur et du tendre la fois
comme posés au fond d'un nid
pourquoi?
c'est alors que l'écorce de l'arbre a craqué
un gros morceau est tombé
je pouvais maintenant voir ce que ma main touchait
je fus sidérée
un fœtus dormait là depuis des années
vision hétéroclite de la mort et de la vie
de la rudesse et de la fragilité
l'arbre avait un jour accueilli la vie?
une vie que l'humain avait refusée?
horreur de ma découverte
ce petit corps était de marbre
marbre blanc
couleur la plus pure la plus recherchée
oh combien appréciée par les sculpteurs
pour son élégance et sa pureté
le marbre blanc est source importante de luminosité 
oui, il reflète la lumière
voilà pourquoi cette magnifique sculpture 
est tout ‘en finition lisse et brillante 
oui, magnifique sculpture 
posée là comme offrande 
et qui au fil du temps
s'est enlacée avec le cœur de l'arbre.
Sur le grand bout d'écorce tombé
lors de ma fouille indélicate
j'ai vu deux cœurs enlacés
gravés sur la peau de ce chêne
comme un tatouage pour exorciser le malheur
alors j'ai avec précaution
déposé le morceau
sur la plaie béante de l'Arbre
tel une pièce de puzzle
porte refermée avec délicatesse
collée à la résine du temps
le petit fœtus pourra continuer à dormir
dans le cœur de l'Arbre de Vie.
Le sculpteur et sa muse
peuvent vivre et mourir en paix.

Le blog de Jamadrou

7 commentaires:

  1. un enfant qui aura de bonnes racines pour la vie

    RépondreSupprimer
  2. Découvrir l'arbre de vie, quelle aventure étrange. Il y a de quoi se sentir privilégiée et peut-être appelée par les esprits...

    RépondreSupprimer
  3. Sur le sentier de la vie, des traces.

    RépondreSupprimer
  4. Comme il fait bon, de te lire, Jamadrou ! Une découverte sortie de toi, qui n'a pas son pareil ... que c'est beau !!!

    RépondreSupprimer
  5. l'arbre avec ses racines qui viennent du fond des temps, N'est-ce pas finalement l'arbre généalogique qui nous relie à Adam et Eve

    RépondreSupprimer
  6. je vous dépose ici le commentaire fort intéressant que Marie a déposé sous mon article dans mon site

    " Très émue en te lisant…cet arbre de vie existe vraiment en Sulawésie…
    L’arbre de vie des Torajas
    https://marie-aupaysdesimagesetdesmots.blogspot.com/search?q=l%27arbre+de+vie

    Une vie trop brève
    Mort-nés ou décédés avant d’avoir eu leur première dent,
    les bébés reçoivent des funérailles spécifiques…

    L’après-midi, alors que le soleil décline à l’ouest (la direction des morts)
    le grand-père ou la mère place le défunt, à la verticale,
    dans une petite cavité aménagée dans le tronc d’un arbre (liang pia..).
    Considéré comme encore pur, le bébé poursuivra sa vie,
    croissant grâce à la sève de l’arbre
    pour revenir au monde originel et atteindre lui aussi le Puya…
    (Guide vert Indonésie, page 590)

    ***********************

    « On m’a fait voir un arbre particulier.
    Remarquable et majestueux, il se dresse dans la forêt
    à quelques centaines de mètres en contrebas des maisons.
    C’est une sépulture réservée aux très jeunes enfants venant à mourir
    au cours des premiers mois.
    Une cavité est sculptée à même le tronc de l’arbre.
    On y dépose le petit mort emmailloté d’un linceul.
    On ferme la tombe ligneuse par un entrelacs de branchages et de tissus.
    Au fil des ans, lentement, la chair de l’arbre se referme,
    gardant le corps de l’enfant dans son grand corps à lui…
    Alors peu à peu commence le voyage
    qui le fait monter vers les cieux,
    au rythme patient de la croissance de l’arbre. »

    Philippe Claudel
    L’arbre du pays Toraja

    Comme Philippe Claudel, j’ai vu cet arbre en pays Toraja
    et dans l’avion du retour,
    j’ai gribouillé ce poème! "

    RépondreSupprimer