Cul de sac / L'entille

 

La toute première fois qu’ils s’étaient rencontrés, ou plutôt qu’ils étaient tombés nez à nez, c’était dans une salle d’attente. Face à face, ils avaient été surpris par leur ressemblance en tous points. Même leurs vêtements étaient identiques. Ils avaient commencé par échanger sur le temps qu’il faisait, s’étaient penchés ensuite sur les principes fondamentaux de l’enrichissement personnel. Ils avaient aussi débattu du bien-fondé des thérapies parallèles dans le traitement de la calvitie. Une discussion à bâtons rompus somme toute, comme on en a chez le coiffeur ou chez le dentiste.

 Lorsque la secrétaire est entrée, les deux se sont levés ! Ils portaient aussi le même nom. Ils s’étaient assis côte à côte dans le cabinet tandis que le docteur s’effondrait dans son fauteuil. Les deux hommes examinaient scrupuleusement le tableau accroché au mur qui représentait un labyrinthe. Alain a demandé l’explication du concept du labyrinthe. « Les méandres de la pensée nous mènent vers des culs de sac bien souvent et parfois vers la sortie. Tourner en rond, réessayer, ne jamais faiblir, c’est un test d’adaptabilité » a répondu le psy d’un air détaché. Alex a hoché la tête d’un air entendu comme si on ne la lui faisait pas à lui et a enchaîné de sa voix de fanfaron : « Alors ce n’est certainement pas pour nous. Vous avez vu comme nous savons parfaitement nous adapter Alain et moi ? Si besoin, Alain se fait discret tandis que je maîtrise la situation. »

-          M Térieur, vous souvenez-vous de notre discussion de la semaine dernière ? Nous avons abordé le thème de votre double.

-          Quel double ? Je vous parle de mon jumeau ! Vous vous êtes perdu dans les culs de sac de votre labyrinthe docteur ! C’est bon. Viens Alain on s’en va !

Alex claque la porte du cabinet derrière lui, décrochant par la même occasion le fameux tableau. Alain choisit ce moment pour disparaître dans un nuage.