26 juin 2022

ARCHITECTURE DE L’ÂME / Cloclo

 


 

Cher ami et confrère,

 

Je t’envoie le plan de mon nouveau programme : une porte ouverte sur la pensée des autres. Vaste projet, me diras-tu, mais les technologies nouvelles nous ouvrent aussi des portes, sans faire de jeu de mots tu t’en doutes, les scientifiques sont des gens sérieux ! J’ai imaginé trois dimensions de portes : les petites pour les esprits fermés, réticents à l’ouverture, aux confidences, au partage et aux bons conseils des autres, une porte moyenne, pour ceux qui voudraient bien mais ne veulent pas, ou n’osent pas, par pudeur, orgueil, discrétion, peur du qu’en dira-t ’on ? que sais-je encore ! Enfin une dernière, la plus grande, celle de l’accueil, de l’abandon, des soucis partagés et surtout de la confiance en soi et en l’autre. Tu me diras si la taille te convient ou s’il faut en redéfinir les dimensions !

 

Pour l’escalier, il est possible encore d’ajouter ou de retrancher des marches. Les esprits jeunes et larges les monteront sans difficulté je pense, les esprits moyens, calculateurs et hésitants les franchiront graduellement et avec quelques doutes. Quant aux derniers, certains s’arrêteront en route, d’autres feront demi-tour en courant par peur de ce qui les attend là-haut.

 

La vérité est dangereuse, me diras-tu, ouvrir son esprit pour plus de partage, de connaissances, d’amis, c’est aussi ouvrir la porte à la vérité, la cruelle vérité de nos âmes qui ne sont pas toujours aussi blanches  et sûres d’elles qu’il paraît. Entrer dans l’intime de l’autre, même par la petite porte, est une expérience risquée pour les faibles humains que nous sommes. J’ai dessiné la porte grande ouverte, pour donner plus de confiance à ceux qui en feront l’expérience. Pour les plus timides, je pourrais rajouter quelques marches et réduire sensiblement l’ouverture de la porte ; ce modèle n’est qu’un standard qu’on pourra adapter à tous les cas de figures et de consciences !  En attendant, dis-moi, cher confrère, si ce projet t’agrée, si tu ne le trouves pas trop ambitieux, ou infaisable, ou indiscret, ou choquant, ou utopique, car qui pourrait prétendre un jour, entrer dans l’intimité et la conscience du moindre humain ?

 

La science est là pour progresser, trouver des moyens pour guérir, prévenir, expliquer, ils sont les moteurs de son avancée ; on ne pourra jamais guérir les blessures de l’âme, mais on pourra peut-être un jour les résoudre, les amenuir, les panser, ou au moins leur donner un  sens.

A bientôt de tes nouvelles, j’ai hâte de savoir ce que tu en penses !

 

J. Charcot junior, laboratoire de neurologie et Sciences cognitives, section architecture de l’âme, juin 2022

 

6 commentaires:

  1. C'est aussi ces blessures qui font ce qu'on est, c'est ce qu'on en fait qui fait ce qu'on devient. Faut-il les guérir, les amoindrir par le biais de la science? N'est-on pas acteur de notre vie et donc la vie est notre médicament...
    Très joli texte!

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  2. L'angle choisi est original sur ces questions de fond. Attention aux apprentis sorciers.

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  3. superbe métaphore qui est, par elle-même, et pour nous, une porte ouverte sur cette créativité sans limites qui anime Cloclo

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  4. une belle confiance dans la science, la mérite -t elle ? Emma

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  5. Belles questions à remâcher et à discuter chez un psy !

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