04 mai 2024

TOMBÉ DU NID / J.Libert

 



 


 

    On n’aurait su dire quelle était l’identité de cet oisillon tombé du nid. Ses plumes  de fin duvet  s’ébouriffaient au moindre souffle de vent. Ses pattes fines et translucides émergeaient à peine de cette petite boule soyeuse. Ses paupières presque closes s’ouvraient par intermittence comme si la lumière du jour l’aveuglait. Le bec grand ouvert, il attendait la nourriture de mouches que les parents distribuaient entre deux vols hors du nid. Échoué au pied de l’arbre, en équilibre entre deux piquets de barrière, il risquait fort de ne jamais s’en remettre et de terminer, là, son ébauche de vie.
 
    Tout en se plaçant à distance du nid pour ne pas perturber la couvée, Ninon, la fillette de la maison, surveillait attentivement l’éveil des oisillons. Elle n’espérait plus sauver ce vulnérable échappé quand elle aperçut l’oiseau peureux tremper son bec dans la soucoupe qu’elle avait coincée entre deux branches de mélèze.Les pattes accrochées  fermement sur le rebord de l’assiette,  à coups de bec répétés, il lançait dans l’air humide quelques miettes de vermisseau. Le duvet hérissé, il poussait de petits cris plaintifs comme pour alerter les siens qui semblaient l’avoir oublié.
 
    Ninon s’approcha de la couvée avec d’infinies précautions. Trois oisillons dormaient, entassés sur des branchages mélangés à de la mousse sèche. Ils n’ouvrirent pas les yeux quand elle déposa le quatrième au sein de la portée. Aurait-il des chances  de survivre à sa chute ? Elle ne le sut que le lendemain en voyant l’intérieur du nid vide et abandonné.


3 commentaires:

  1. "Ninon, je voulais juste te dire merci du fond de mon petit cœur d'oisillon" :)

    Keremma

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  2. Quand l'absence signe la réussite, a priori.

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