Bizarrement ce que j'aime dans l'écriture ce sont les coquilles ; non pas celles des noix automnales mais celles qui me rappellent mes émois de garnement ...
Je ne peux résister à l'envie de les évoquer encore une fois ici.
Je
n'aimais rien tant que ce moment béni quand - ayant distribué nos copies - elle
se penchait sur chacun d'entre nous pour commenter nos œuvres et corriger nos
fautes.
Sans me vanter
j'ai toujours cartonné en orthographe et n'ai jamais essuyé la moindre
remontrance mais combien de fois ai-je sciemment cousu des coquilles à ma prose
rien que pour sentir au dessus de ma tête son inimitable parfum et cette
profonde et rassurante respiration alors que j'étais depuis longtemps en apnée.
Le coeur au
bord des lèvres je plongeais alors tel un mécréant mon regard dans le sillon
enivrant de cette gorge innocemment offerte à mes seuls yeux et qui semblait ne
palpiter que pour moi.
Par crainte
d'éveiller les soupçons, je me contentais d'un désaccord de participe ou d'une
ponctuation hasardeuse qui m'accorderait quelques instants d'exploration
supplémentaire.
Je ne saurais
dire ce qui dans ce creux si sombre, si vertigineux ou cette blancheur laiteuse
me procurait le plus de plaisir car dans la nature comme dans l'écriture, les
pleins et les déliés, les vallons et les monts ne sauraient exister l'un sans
l'autre.
J'appris plus
tard - c'est à dire à l'âge où les culottes rallongent et où l'acné décore les
fronts juvéniles - qu'on donne une note aux poitrines des femmes.
Résolument
fâché avec les mathématiques je fus profondément déçu qu'on attribue un chiffre
là où le regard suffit amplement à l'appréciation de tout mâle normalement
constitué.
A celle qui me
nota de façon si charmante je donne à mon tour un quatre vingt quinze C... et
je pèse mes mots.
Elle portait de
fines lunettes par pure coquetterie car un tel regard ne pouvait avoir besoin
de correction, du moins le croyais-je à l'âge où les mots myopie et presbytie
n'étaient pour moi que prétexte à jouer du i grec.
J'appris dans
le même temps quelle réputation on donne aux femmes à lunettes mais ayant
déclamé haut et fort cette soi-disant vérité lors d'une réunion de famille, la
correction qui s'ensuivit m'ôta pour longtemps toute envie d'en savoir plus.
Comme je
regrette aujourd'hui de n'avoir gardé aucune de ces copies où elle posa son
regard et où je saurais deviner plus de soixante ans après la trace d'un doigt
parfumé sur une sournoise cokille coquille...
C'est coquin... ces souvenirs ;-)
RépondreSupprimerC'est tout moi :)
SupprimerBon, si je comprends bien, les gars, ce n'est pas pour l'écriture elle même que nous écrivons ! Que de fantasme autour des mots qui magnifient le corps des femmes littéraires...
RépondreSupprimerQue de bons souvenirs pour toi ces coquilles, Vegas. Et tu as l'art de partager avec tes mots ces moments qui ont déclenché ton besoin d'écrire, merci.
RépondreSupprimerAl la belle évocation ! Merci Vegas.
RépondreSupprimerLes coquilles ont bon dos, si je puis dire puisque tout se passait devant ;-)
K