05 octobre 2024

Papotage / Galet

 


Bonjour, moi c’est D1 (le rideau D, comme droite, pour que vous compreniez). L’autre, en face, c’est un cousin, G2, et nous n’avons pas grand-chose en commun si ce n’est la texture et le même bain de couleur. Il a été accroché là au printemps, après le Grand Ménage, suite à une erreur du personnel. Bien sûr personne ne s’en est aperçu, mais mon jumeau G1, sur l’autre fenêtre, doit s’ennuyer ferme. C’est que nous venons du même coupon, nous sommes frères de lé, oserais-je dire ! Encore un an à attendre d’être décrochés et dépoussiérés, en gardant l’espoir d’être réunis… Je ne sais pas ce qu’il en est de D2, mais son pendant ici est un taciturne un rien snob, qui se contente de contempler la vue, le drapé imperturbable, la cordelière strictement serrée. Tout juste s’il se relâche le soir.

Avec G1, le moindre filet d’air était prétexte à un frisson de tissu, nous jouions avec le chat qui se cachait dans nos plis ou nous escaladait, les jours de folie ! Même lui, du coup, est triste… Mais heureusement, il me reste fidèle, et nous ne sommes que deux à en connaître la raison principale : le trou de souris dans l’angle de la pièce, bien protégé par l’immense bibliothèque ! Sans Minouche, quel carnage ce serait. Pour l’heure, il surveille le trafic et l’agitation sur les trottoirs de l’avenue bordée d’immeubles haussmanniens, à deux pas de la Bourse, et me laisse tranquillement feuilleter le livre qu’il a complaisamment fait tomber de l’étagère pour moi. Car j’ai le don inexpliqué de savoir lire, et j’aurais aimé confirmer à Lamartine que, oui, les objets ont une âme, et que personnellement ce passe-temps m’aide à mieux comprendre certaines discussions qui ont lieu dans cette pièce un peu à l’écart, certaines confidences chuchotées, certains secrets livrés. Malheureusement, je ne peux plus en débattre avec G1, comme l’an dernier, quand la nuit nous rapprochait…

Non, décidément, cet ouvrage-là ne m’accroche pas du tout. Un essai de Milan Kundera, même s’il s’intitule « Le rideau », c’est trop dur pour moi. Je soupçonne le chat de se moquer de moi dans ses choix, il m’avait déjà proposé le « Tomber de rideau » de Philippe Claudel. Un peu ardu, tout de même. Allez, je laisse tomber pour aujourd’hui, et ce sera à mettre sur le compte du mistigri, mais il sait si bien donner le change en se frottant contre les jambes de la femme de ménage !


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire