Je prends ici la plume pour vous parler d’un métier aujourd’hui disparu, du moins dans sa version initiale, celui de bourreau des cœurs.
Personne ne saurait dire où et quand il est apparu, mais c’était à coup sûr à l’époque où on considérait que le cœur était le siège des émotions, et tout particulièrement l’amour et toutes ses déclinaisons.
Il ne fallait pas confondre ce professionnel avec son collègue décolleur de têtes. Non, lui était plus subtil, il recensait les cœurs meurtris à la disparition de leur enveloppe charnelle et se chargeait de les éliminer à jamais pour que personne n’ai la tentation de se les approprier. La condition principale pour exercer était bien évidemment d’être sans cœur.
Bien sûr, cela n’excluait pas les préférences : un cœur de pierre était un défi, le tranchant de la hache pouvait riper, voire blesser celui qui tenait le manche, il fallait souvent s’y rependre à plusieurs fois avant de créer la faille qui faisait exploser la masse. Le cœur sec, lui, cédait beaucoup plus facilement. Un cœur tendre, par contre, pouvait poser problème, il glissait sous le fil, se déformait, et le travail était parfois moins net. Il lui fallait aussi attacher les cœurs volages au billot de crainte qu’ils ne s’échappent avant que la cognée ne s’abatte. Par contre il refusait les cœurs brisés, la besogne ayant été bâclée en amont, mais il guettait les cœurs à prendre, ils représentaient des clients potentiels. Quant aux cœurs d’artichauts, il les débitait délicatement, comme on effeuille une rose.
Quelques uns cependant sortaient du lot et l’obligeaient à des précautions qu’il jugeait fastidieuses. C’étaient les nobles cœurs, les cœurs fiers ou vaillants qu’il fallait manipuler avec précaution de peur de heurter l’opinion, même s’il pensait parfois que le faire aurait pu révéler quelques failles dans le cœur d’autrui… Sa pire crainte était de tomber sur quelqu’un comme lui, qu’il lui faudrait alors abandonner aux supplices traditionnels. Il savait pourtant que c’est ainsi qu’il finirait.
Le temps et les siècles passant, la charge s’est éteinte, même si la dénomination persiste. Le champ d’action du bourreau des cœurs s’est considérablement rapetissé, seules les âmes faibles se laissant prendre dans la nasse des sentiments. On considère aujourd’hui qu’un cœur peut avoir une seconde chance dans un autre corps, après que des gens jugés très compétents lui aient dénié le rôle qui autrefois le condamnait. Le cerveau, même s’il avait toujours été partie prenante, détient aujourd’hui le monopole des décisions bonnes ou mauvaises qui engagent la vie de tout un chacun. C’est probablement ce que Monsieur Guillotin avait essayé de faire comprendre avec ses nombreuses expérimentations, et son invention n’a jamais été détournée de ses intentions premières. Y manquait la subtilité sans doute, cause de sa disparition.
Bourreau des coeurs, vous m'en direz tant ;-) jill
RépondreSupprimerDélectable! Qu'en était'il pour lui du coeur d'airain ? Un son de cloche félée peut-être.
RépondreSupprimerAvec celui-là, il a fait des étincelles !
Supprimeratout coeur et a tout coeur
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