16 août 2025

Comme un souvenir / Fredaine

 


Chaque fois que je venais, je lui plaçais le vieux casque sur les oreilles et j’enclenchais la lecture de la cassette. Arriverait un jour où l’usure aurait raison de la bande, sans doute devrais-je faire une copie, c’était tellement important pour lui. Dès qu’il entendait sa voix, son visage s’illuminait et il était souriant jusqu’à la dernière seconde. L’évocation de tous ces souvenirs partagés avec elle facilitait l’accès à sa mémoire vacillante, comme l’ouverture d’une porte vers le passé et tels deux plongeurs, ils  partaient, seuls dans leur bulle marine le temps que tournait le magnétophone.

Cette cassette, elle l’avait enregistrée quand sa mémoire à lui avait commencé à s’effacer. En réalité, ils l’avaient fait ensemble ; il racontait, elle écrivait, puis, plus tard, alors qu’il dormait, elle posait sa voix sur leurs souvenirs. Elle se savait malade, savait qu’un jour elle ne serait plus là pour lui rappeler tout cela, elle voulait lui laisser cette trace, comme une charpente pour le protéger le plus longtemps possible.

Leur rencontre sur le petit pont de bois qui traversait le parc. Un coup de foudre. L’endroit était devenu leur point d’ancrage et c’est tout près qu’ils avaient décidé de s’installer, de construire leur nid. C’est dans ce nid qu’ils m’avaient conçue. Ils ne l’ont jamais quitté.

« Te souviens-tu mon amour de ce joli médaillon avec la photo de Lucie ? Nous avions fait une folie ce jour-là en demandant à un photographe de nous décrocher la lune pour l’y déposer un instant. »

Les souvenirs défilaient, il lui arrivait parfois de terminer les phrases avec elle.

« Les seules fois où nous quittions notre cabane dans les bois, c’était pour nous rendre au bord de la mer. Nous aimions tant faire de longues promenades avec notre fidèle Milo, trouvé un jour errant dans les bois. Rappelle-toi comme il aimait courir sur le sable en longeant l’eau ; il nous fallait déployer des trésors d’imagination pour parvenir à le faire rentrer. »

La cassette se terminait sur le bruit des vagues, je voyais à son sourire qu’il heureux…

J’ai la mémoire qui flanche, je m’souviens plus très bien ...

2 commentaires:

  1. Ici aussi les images ont parlé... et me parlent. Accrocher un fil d'amour à la mémoire et guetter l'étincelle du souvenir.

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  2. Ah Aloïs, sais-tu quels trésors sont développés pour retarder ta venue?.

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