03 février 2024

L'héritage/Lilousoleil

 

L'héritage



"Je suis née à quatre heures du matin, le 9 janvier 1908, dans une chambre aux meubles laqués de blanc, qui donnait sur le boulevard Raspail."Je délaissais ce livre qui m’assommait un peu ce soir… Encore une histoire sans intérêt ! J’avais la tête ailleurs.

Je n’étais pas revenue dans l’appartement parisien depuis que j’avais épousé Laurent ; Je préférais la maison du bord de Saône où nous nous retrouvions tous en famille… quinze ans déjà ! Les expositions m’avaient pris tant de temps. Dernièrement encore j’avais découvert Sally  Storch que j’avais confondue – mea culpa- avec Edward Hopper. J’avais décidé d’organiser  une expo dans ma galerie.  J’avais consommé tant d’énergie et j’avais presque terminé quand le coup de téléphone m’annonçant l’accident de voiture de mes parents m’avait anéantie. Après la cérémonie et le contrecoup de ces décès brutaux, j’avais usé mes dernières forces pour le vernissage d’un autre jeune peintre moderne talentueux et mis la dernière main pour l’expo de Sally. Puis je laissais la gestion de la galerie à mon associée. Il fallait régler les problèmes de succession. Heureusement nous étions d’accord, ma sœur et mon frère donc cela se passait bien. Nous devions nous  retrouver dans l’appartement rue Raspail. J’étais arrivée ce matin et ce soir derrière les rideaux les souvenirs affluaient. La petite boulangerie en bas avait « grossi », la fleuriste avait fermé ses portes et laissé la place à un petit super marché, et l’ancienne  bijouterie miteuse autrefois  au coin de la rue arborait des vitrines rutilantes et occupait double de surface.  Je me revis courant  avec ma baguette de pain, jouant avec un chien errant quand je rentrais de l’école ; on aurait qu’il m’attendait  mais maman avait dit pas d’animaux à la maison ! Seul le grand immeuble n’avait pas changé. Imposante bâtisse, je regardais les lumières qui brillaient ça et là yeux enfoncés dans les murs de brique brunes. Un peu plus loin, une affiche, le visage d’un homme beau comme un dieu grec vantait les mérites d’un parfum masculin. C'est alors que Laurent s’était approché sans bruit , il suivit  mon regard brillant  et sans crier gare


"Je vais laisser pousser ma moustache, décida-t-il"

 

 

 

5 commentaires:

  1. J'adore la fin qui tranche avec le ton monocorde qui sied si bien àla situation.

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  2. j'avais pensé aussi à une peinture d'Edward Hopper...

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  3. Beauvoir, Hopper, Storch et même Ronis, tu nous gâtes dans cette évocation avec les souvenirs, retours en arrière que la situation et un héritage occasionnent forcément.

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  4. vegas sur sarthe4 février 2024 à 15:15

    Cette Sally Storch nous a embarqués avec ses airs de Hopper et tu m'as aussi embarqué avec cette belle histoire

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  5. Inattendue et pleine de charme, cette moustache !

    Keremma

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