L'héritage
"Je suis née à quatre heures du matin, le 9 janvier 1908, dans
une chambre aux meubles laqués de blanc, qui donnait sur le boulevard Raspail."Je délaissais ce livre qui m’assommait un peu ce
soir… Encore une histoire sans intérêt ! J’avais la tête ailleurs.
Je n’étais pas
revenue dans l’appartement parisien depuis que j’avais épousé Laurent ; Je
préférais la maison du bord de Saône où nous nous retrouvions tous en famille… quinze
ans déjà ! Les expositions m’avaient pris tant de temps. Dernièrement
encore j’avais découvert Sally Storch
que j’avais confondue – mea culpa- avec Edward Hopper. J’avais décidé d’organiser une expo dans ma galerie. J’avais consommé tant d’énergie et j’avais
presque terminé quand le coup de téléphone m’annonçant l’accident de voiture de
mes parents m’avait anéantie. Après la cérémonie et le contrecoup de ces décès
brutaux, j’avais usé mes dernières forces pour le vernissage d’un autre jeune
peintre moderne talentueux et mis la dernière main pour l’expo de Sally. Puis
je laissais la gestion de la galerie à mon associée. Il fallait régler les
problèmes de succession. Heureusement nous étions d’accord, ma sœur et mon
frère donc cela se passait bien. Nous devions nous retrouver dans l’appartement rue Raspail.
J’étais arrivée ce matin et ce soir derrière les rideaux les souvenirs
affluaient. La petite boulangerie en bas avait « grossi », la
fleuriste avait fermé ses portes et laissé la place à un petit super marché, et
l’ancienne bijouterie miteuse autrefois au coin de la rue arborait des vitrines
rutilantes et occupait double de surface. Je me revis courant avec ma baguette de pain, jouant avec un
chien errant quand je rentrais de l’école ; on aurait qu’il
m’attendait mais maman avait dit pas
d’animaux à la maison ! Seul le grand immeuble n’avait pas changé.
Imposante bâtisse, je regardais les lumières qui brillaient ça et là yeux
enfoncés dans les murs de brique brunes. Un peu plus loin, une affiche, le
visage d’un homme beau comme un dieu grec vantait les mérites d’un parfum
masculin. C'est alors que Laurent s’était approché sans bruit , il suivit mon regard brillant et sans crier gare
"Je vais laisser pousser ma moustache,
décida-t-il"
J'adore la fin qui tranche avec le ton monocorde qui sied si bien àla situation.
RépondreSupprimerj'avais pensé aussi à une peinture d'Edward Hopper...
RépondreSupprimerBeauvoir, Hopper, Storch et même Ronis, tu nous gâtes dans cette évocation avec les souvenirs, retours en arrière que la situation et un héritage occasionnent forcément.
RépondreSupprimerCette Sally Storch nous a embarqués avec ses airs de Hopper et tu m'as aussi embarqué avec cette belle histoire
RépondreSupprimerInattendue et pleine de charme, cette moustache !
RépondreSupprimerKeremma