17 février 2024

LA JEUNE FILLE AU TRAIN / J.Libert

 



    Elle a déjà consulté la veille carte routière de France des années 60 rangée  depuis des lustres dans le tiroir du bas de la commode du salon. Elle a bien situé la ville de Menton, si près de Gênes, à vol d’oiseaux.
 
    Menton, le nom résonne dans la tête de Viviane comme une obsession, mais un nom recouvert d’un voile, d’un mystère. Menton où sa très jeune mère, encore une adolescente, l’a portée, a accouché sous x et l’a livrée à des mains étrangères  sans un regard, sans une caresse sur son petit front de nouveau- né.
 
    Viviane a appris le secret de sa naissance après le décès de sa mère en retrouvant un mince carnet de velours vert  caché derrière une étagère. De son écriture d’écolière, celle ci relatait quelques bribes de sa jeune vie. Le temps qui avait effacé certains mots  ne nuisait en rien à la compréhension de sa situation. Tout indiquait que, sous la pression familiale, de sa mère en particulier, elle avait dû se séparer «  de l’enfant de la faute »
 
    Viviane, une exilée ; et comme si l’histoire se répétait, elle aussi porte, aujourd’hui, « l’enfant de la faute » qui l’exclue de son foyer et de Gênes, sa ville d’accueil.
 
    Un maigre sac à dos pour tout bagage, elle monte dans le train en direction de Menton, s’assoit dans un compartiment vide aux fauteuils vides, couleur de soleil. Elle a le cœur lourd  en s’éloignant de Gênes,  mais elle sait qu’elle ne reviendra jamais et fera tout pour retrouver ceux et celles qui ne l’ont pas reconnue.
                                                                                                                


3 commentaires:

  1. C'est prendre un grand risque après tout ce temps de rechercher ceux qui vous ont rejeté ...

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  2. La vieille carte routière des années 60 devient le premier guide d'une quête intérieure. J’adore cette image !!

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  3. Quand les situations se répètent. Pas simple du tout.

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