photo 4, bourdonnement
LE MASQUE DE L'ARAIGNÉE
Il y a des souvenirs qui ne s'effacent jamais, qui rampent dans l'ombre tel un acarien sous les draps. Celui-là, je ne peux l'oublier. Le jour où mon père est entré dans la maison, le souffle court, les yeux fous et les mains tremblantes. Il n'a pas dit un mot, juste claqué la porte, tiré les verrous, cloué les volets. En un instant, notre monde est devenu noir comme si une araignée avait tiré sur les fils de sa toile pour nous y engluer.
Le temps s'est dissout dans l'obscurité. Les jours n'avaient plus de fin, les nuits plus de commencement. Nous marchions sur la pointe des pieds, le cœur battant à chaque craquement de bois. Pas de feu, pas d'odeur, pas de son ... juste le silence et la peur.
Mon père devenait un autre homme. Il écoutait sa radio pareillement à un conspirateur : Son oreille collée au poste, le volume si bas que l'on n'entendait qu'un bourdonnement tenu, presque insidieux. Ce son vibrait dans la pénombre semblable au chant obsédant de la toile qui nous retenait prisonniers.
Chaque fois que je posais une question, ses yeux s'assombrissaient. Il ne regardait comme si le simple fait de parler pouvait déclencher la morsure du prédateur.
Puis, un matin le bourdonnement s'est tu. Mon père s'est levé, redressé comme si une chaîne invisible venait d'être brisée. " Ils l'ont eu ", a-t-il soufflé. Jacques Mesrine. Le masque était tombé. L'araignée n'était plus qu'un cadavre dans sa toile, son venin neutralisé.
Mais si la lumière a percé notre nuit, elle n'a pas dissipé toutes les ombres. La maison sentait encore la peur. Et dans les yeux de mon père, une part d'obscurité restait scellée à jamais.
Lorsque l' araignée tombe, sa toile ne disparaît pas ... elle continue de vibrer dans ceux qu'elle a pris.
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