13 janvier 2025
Sujet 122 - les participants
11 janvier 2025
Le pianiste d'Alicia/Lilou
Le pianiste d'Alicia
Alicia était là comme chaque jour depuis une semaine, après l’école. Il avait plu, une pluie orageuse qui avait laissé quelques flaques qui amusaient les enfants surtout les plus petits. Autour de lui, les passants vaquaient à leurs occupations ; certains pressés faisaient fi des trottoirs glissants d’autres prenaient leur temps et musardaient leur cabas à la main contemplant les vitrines qui à cette heure du jour commençaient à s’allumer. Lui, il ne voyait rien. Il était pris par la musique ; il la vivait au point d’oublier qu’il était installé devant un bistrot, qu’il faisait la manche pour gagner trois sous. Il jouait jouait jouait malgré l’humidité de son blouson malgré ce piano droit qui n’avait rien à voir avec son piano de concert.
Ah ! les concerts, il se souvenait de son rêve. Il
s’était vu à Pleyel ou Berlin ou Carnagy Hall. Il se souvenait de Diane,
violoniste avec qui il voulait monter un duo et en attendant ils s’étaient
mariés et très vite Alicia était venue au monde, un bébé qu’il adorait. Mais
rien de tout cela. Alors qu’il était promis à un avenir de concertiste
brillant, un stupide accident, un bras brisé et le pouce broyé avait mis fin à
sa carrière. Il s’imposa une rééducation longue et difficile pour récupérer de
la dextérité, rééducation durant laquelle Diane le quitta emmenant Alicia avec
elle, pour s’installer en Suisse, auprès de ses propres parents pendant qu’elle
parcourait le monde avec les plus prestigieux orchestres.
Malgré son courage jamais il ne put revenir à un niveau
international.
Maintenant il vivotait de quelques cours de musique et pour
assurer un petit complément il était là le soir et essayait de faire connaître
la musique, la grande musique.
Et puis un jour, Diane, revenue s’installer dans cette
grande ville, l’avait aperçu. Elle en avait été bouleversée et les remords se
réveillèrent. Elle avait alors confié à Alicia que cet homme était son père. Bien
sûr elle lui avait racontée quelques histoires à propos de lui mais les mots
étaient un peu évasifs. Diane ne put empêcher sa fille de se rendre chaque jour
rencontrer ce père qu’elle ne connaissait pas encore.
Voilà pourquoi Alicia calée comme le tronc d’un platane,
venait l’écouter, l’entendre subjuguée par ses mains qui couraient qui
caressaient les touches comme le souffle de la brise.
Elle sait qu’il la voit. Sait-il qui elle est ?
Osera-t-elle lui parler ? Moi je crois que oui.
88 / K
-Nous on est 56, et vous ?
-Nous 32
-Ça fait 88
-Belle équipe je trouve.
-Oui
-On s’entend bien !
-Surtout quand on nous touche.
-Oui, même effleurées, c’est bon.
- Suffit d’être dans de bonnes mains.
- Deux ou quatre, c’est très bien. Il y a la place.
-Et c’est pas mal en ces temps troublés, non ?
-J’allais le dire. Et puis…
-Vas-y balance !
-A nous toutes, noires, blanches, on n’est pas de trop pour
mettre un peu de nuances.
Le pianiste / Emma
Il l'a fabriqué avec des bouts de bois, morceau après morceau, qu'il a pu ramasser sans se faire prendre, et tailler avec une lame volée.
Il le cache sous sa paillasse, tout en haut des châlits superposés.
C'est un camp en Poméranie, ou en Sibérie ; peu importe, c'est là où il y a des chiens, des bottes, des barbelés, et des miradors qui balaient la neige jusqu'à la masse noire de la forêt.
Alors la nuit, il le sort, le pose sur ses genoux, jambes ballantes et dos courbé, il se concentre, hésite une seconde, comme il le faisait à Pleyel, et puis abat ses longues mains gercées sur le misérable clavier raplapla.
Et c'est Chopin qui déferle dans sa tête.
Bien qu'il ait toujours un peu de mal avec les arpèges du 2e scherzo.
LA BALANCE DES ÉMOTIONS / Marie Sylvie
Dans un monde de touches et de rêves,
Une petite cantate / L'Entille
Une petite cantate du bout des doigts
Obsédante et maladroite monte vers toi…..
J’aurais aimé comme toi, aligner des notes, y poser des mots,
galvaniser des foules, leur dire mon amour à Pantin ou à
Göttingen.
Hélas, j’essaie en vain, mes doigts ne sont pas fait pour la
musique, mon oreille hurle quand je touche le clavier.
J’ai fini par vendre mon piano inutile.
J’ai téléchargé tes chansons et les passe en boucle.
Par cette petite cantate, toi la dame brune, tu restes présente.
Avec l’homme en habit rouge, hop là ! nous allons à Nantes ou
au bois de Saint Amand
Peut-être même plus loin encore jusqu’à ce que la joie
revienne.
Par la magie de l’enregistrement, tu ne peux pas nous dire au
revoir et je ne m’en balance pas.
LE PIANO SILENCIEUX / J.Libert
Tout au fond, il y avait un piano à queue avec des mazurkas de Chopin ouverts sur le lutrin mais personne n’en jouait plus depuis des années.
Cécilia raconte que son père était un fanatique du piano. Il disait qu’aucun instrument n’égalait la pureté de ses notes. Devenu le plus jeune grand pianiste, il avait interprété les plus beaux morceaux de piano de musique classique sur les scènes internationales. Après avoir parcouru le monde pendant une vingtaine d’années, il s’était consacré à la transmission de son art aux jeunes élèves d’une école de musique. Il avait un flair particulier pour détecter les futurs talents qu’ils prenaient alors en main pour les pousser à travailler.
Cécilia raconte encore que son père aurait voulu faire d’elle une pianiste émérite alors qu’elle préférait la comédie et le théâtre. Il ne voulait rien entendre allant jusqu’à l’enfermer des heures entières pour des répétitions interminables. Un moment, elle se sentit en balance face à des sentiments contradictoires, mais ce comportement extrême de son père acheva de la détourner de lui et de son enseignement.
Après avoir étudié la médecine, partie à l’étranger, elle n’avait plus jamais donné de ses nouvelles. Et puis, un soir d’été, elle reçut un coup de fil de sa sœur aînée lui demandant de rentrer en France en urgence. Son père se mourait d’un cancer du poumon. Elle n’eut que le temps de lui prendre les mains, ses belles mains de pianiste, avant de lui fermer les yeux. Depuis, le piano reste silencieux.
“J'aurais voulu être un artiste...” / La Licorne
N'ayant pas participé ces derniers mois aux défis de Mil et Une, j'ai décidé, pour rattraper mon retard, de grouper les trois derniers afin d'en faire un texte unique. Voilà ce que ça donne...
TITRE :
“J'aurais voulu être un artiste...”
Quelle semaine ! Du genre que je ne risque pas d'oublier... ...ça a commencé samedi, quand la pluie a commencé à tomber. D'abord doucement, puis de plus en plus fort. Peu à peu, par la fenêtre, on a vu la rivière monter ...et inonder tout le quartier.Et puis lundi matin est arrivé ce qui devait arriver : au moment de repartir au travail, j'ai fait dix mètres dans le parking et j'ai noyé le moteur ! Je vous montre la scène ?
Heureusement, mon patron a été compréhensif : il m'a permis de prendre une semaine de RTT. Une semaine entière à la maison ! Mais qu'est-ce que j'allais bien pouvoir faire de tout ce temps, en plein hiver ?C'est là que j'ai eu une idée lumineuse...depuis le temps que je repoussais le moment de me remettre à la peinture...Allons-y ! C'était l'occasion ou jamais. J'ai ressorti du grenier un vieux chevalet et des tubes à moitié secs. Tellement secs, d'ailleurs, que j'ai dû appuyer très fort pour faire sortir la couleur. Tellement fort que pschitt ! Je m'en suis pris un bon jet dans l'oeil ! Miséricorde ! Voilà à quoi je ressemblais :
Et j'ai eu beau frotter, frotter...ça n'est pas parti. Peinture à l'huile, bien sûr ! Et de bonne qualité...ça m'apprendra à toujours acheter les meilleurs produits !Comme vous pouvez vous en douter, cet incident a bien refroidi mes ardeurs de peintre....ça a bien fait rire ma femme et ma princesse, aussi...
Puisque les yeux étaient “hors-service”, ne me restaient que les mains...et les oreilles.
J'ai donc ouvert le piano et je me suis mis en tête d'en jouer. Ce qu'il faut préciser, c'est que la dernière fois que je l'avais fait, j'avais quinze ans. Entre-temps, c'est ma fille qui a utilisé l'instrument. Moi, je me suis toujours trouvé des excuses : pas assez doué, trop occupé...Bon, là, j'avais le temps. Mais je n'avais plus la vue aiguisée qui me permettrait de lire les partitions. J'ai donc improvisé.
Mi, mi, mi, mi...la, sol, ré...j'ai balbutié quelques notes...et puis j'ai continué...La mémoire m'est revenue. De très loin. Au bout d'une demi-heure, mes mains couraient un peu plus vite sur le clavier. Et des mélodies me sont venues. Pas celles que j'avais apprises. Non. Les miennes.
Mon épouse, qui était dans la cuisine, a quitté ses fourneaux et s'est appuyée au chambranle de la porte, pour écouter.“C'est joli, a-t-elle dit. Tu devrais persévérer...Je t'avais bien dit que les Balance avait un certain sens artistique...”Et puis, hop, sa robe a virevolté, elle a fait demi-tour et elle est repartie surveiller sa tarte.
Mais bing ! J'étais touché en plein coeur. J'ai senti les larmes monter.
Ah non, me suis-je dit...stop ! Les inondations... Et les yeux rouges. Merci. J'ai déjà donné !
L'ambianceur / Jill Bill