Varlope, Varappe & Lycée de Versailles
La pépie vient en mangeant
Quatre jours sans ma mère, et c’est tant mieux, mais depuis, qu’est-ce que je mange mal. Et trois jours déjà que je ne vois plus Chloë. Mais elle, elle me manque. On est si complémentaires pourtant. Le bois et la pierre, la varlope et la varappe. Mais où est-elle donc passée ? Mince !
Oui, trois jours déjà… Et j’ai des crampes qui me tordent et me nouent le bas du ventre. Entre toutes, je ne peux plus rester ici. Il faut que je me défonce.
Footing à fond. Trois grands tours de l’île. Étirements. Cinquante pompes plus tard, ici, c’est le concours de pêche en Loire qui commence, alors je fuis, et ce sera mon VTT d’une blinde qui va crier grâce. Je fonds comme une flèche sur les chemins de la Sèvre et poursuis, à bride abattue, à travers le petit pont, à travers le petit bois. J’évite rapidement, en cadence, tous les troncs hérissés, arrachés, affalés sous les coups de butoir de la tempête Ciarán de 2023. Je fonce jusqu’à Pont Caffino. Je freine à mort sur un chien au milieu du chemin ! Tour d’horizon, autour …
Des chaussons et des crampons. Les types qui varappent sur les parois de schiste bleu taguées de coeurs, me refilent des suées. Mais elle n’est pas là. Personne. Demi-tour. Je tourne bride, sur les chapeaux de roue, et repars à toute vitesse, peau des fesses, et peau d’ourse qui débourse, braquet au maxi.
Ligne d’arrivée au jardin. Je me fais trois énormes rondins de 1 mètre aux coins et à la masse. Je prends gros. Je les éclate. Je les scie à la main. Et zig et zag, et zig et zag… Je me les farcis les débitant hargneusement à la cognée, au merlin. Je varlope électrique, à fond de caisse, une montagne de palettes. Je réduis deux victimes en mille bois, en petits morceaux, en cure-dents. Les nourrices d’alimentation en fondent, en fument.
Alors, je décloue, je tape, je scie, je retape, je re-débite, je rabote, je ronge. Je trie et je range ces copeaux. En croles crampons top crolées, en chim, chim chiminey d’un avenir radieux, j’attise et j’allume mon feu.
Illico presto, quatre-vingt-dix copies du Rectorat du Finistère, corrigées, moyennées, escaliers, salopées, varlopées, re-notées, re-GPT, dansent, dansent, leur coûtent un bras, s’emballent …
D’un coup, là où les étoiles tombent, Marc Dorcel sonne aux abonnés absents… je prends cher et m’effondre sur le lit !
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Voici une seconde variation, plus poétique et plus hallucinée :
Varlope, Varappe & Lycée de Versailles (variation nocturne)
La pépie vient en mangeant, disais-je, mais voilà quatre jours sans ma mère et tant mieux, car la faim s’est muée en fièvre. Depuis, je cherche Chloë. Entre toutes, elle était la plus vive étincelle, mais son absence ronge ma poitrine comme un crabe invisible.
Je marche dans les couloirs du Finistère intérieur, où les murs tagués de coeurs tout rouges transpirent l’humidité des pierres. Les nourrices de la mémoire, vieilles femmes de brume, me tendent leurs mains calleuses. Elles disent : « cours, rabote, varlope, tant que ton souffle dure. » Alors j’avance.
Sous mes pas se dresse le concours de pêche, grotesque foire où les corps se balancent au bout des hameçons rouillés. Un chien bien crampon au milieu du chemin me fixe, yeux phosphorescents, museau écumant. Je comprends que je dois le suivre.
Plus loin, une peau d’ourse déchirée claque dans le vent. Elle m’appelle. Je m’enveloppe dedans comme d’un suaire et je poursuis, haletant, vers la cime où les étoiles tombent. Là, sous la voûte fendue, je crois entendre encore la voix de Chloë :
« tant mieux si tu n’as plus de mère, tant mieux si la varlope et la varappe t’usent les bras ; car au bout de la nuit, un avenir radieux s’éveille, mais il faudra payer le prix. »
Je tends la main, mais déjà tout s’écroule, avalé par le silence.
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Alors allons-y pour la troisième variation, burlesque, un peu dada, où les pauvres titres se mêlent au délire :
Varlope, Varappe & Lycée de Versailles (version burlesque)
Quatre jours sans ma mère, tant mieux ! Enfin je respire, je digère mes nouilles froides en dansant la varlope au milieu du salon. Entre toutes mes lubies, c’est la plus brillante : scier les pieds de la table pour qu’elle se transforme en varappe improvisée.
J’invite Chloë. Elle arrive en Peau d’ourse, en crampons, déguisée comme un carnaval du Finistère, en lançant des Nourrices en plastique qui clignotent et chantent du Piaf. On rit, on s’étouffe, la pépie vient en mangeant, et je dévore trois tartes aux fraises de Plougastel sans respirer.
Mais soudain : un chien au milieu du chemin ! Pas de panique : il corrige mes copies de maths au Lycée de Versailles avec une plume trempée dans du chouchen. Quelle classe. Le concours de pêche commence, jette-moi ton hameçon, dis-je, et il me sort un Marc Dorcel en VHS.
Alors tout bascule : les étoiles tombent en pluie de cure-dents, les murs tagués de coeurs saignants crient « Un avenir radieux ! » et je flotte dans une baignoire pleine d’algues phosphorescentes. Entre toutes mes folies, c’est ma préférée. Tant mieux !
Tu t'es bien défoulé entre M Muscle et Mme Dada. Pas mal du tout ces variations sur fond d'absence à combler.
RépondreSupprimerCalme-toi, elle va revenir, ta mammig ! De quoi est donc chargé l'air du Finistère ?
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