C’était un de ces matins comme tous les matins, où l’envie d’aller bosser est semblable à
celle de plonger dans un bassin de purin. Je me sentais si bien au fond de ma couette chaude
et douillette, qu’il était criminel de m’en arracher. Je laissais hurler ce réveil programmé
pour sonner à nouveau cinq minutes plus tard. C’est ainsi que je le laissai hurler et hurler
encore sa complainte toutes les cinq minutes durant plus d’une demie heure, avant de
m’extirper de ces draps à la chaleur enveloppante, la tête dans le pâté.
Il me semblait avec une plaque de marbre greffée à mes lombaires. La démarche en canard,
je me déplaçais au ralenti. Soupir après soupir, je me demandais pourquoi aller bosser… un
travail si inintéressant, payé le minimum syndical, sans possibilité d’évolution. Si j’avais une
corde je lui ferais un câlin pour en finir… Pfff.
Mes désirs et fantasmes me ramenaient à cette époque de l’enfance où les soucis ne sont
pas, ou ne devraient pas être. Je me souviens de tous ces passages secrets que j’inventais et
qui donnaient accès à d’autres dimensions. Si seulement je pouvais réellement ouvrir un de
ces passages et m’extirper de ce monde pour lequel je ne suis pas fait.
Un monde où l’on dort sur des nuages doux et chauds. Un monde où le chant des bébés
licornes ailées chatouillent délicatement vos oreilles pour vous réveiller en douceur. Un
monde où coule une nourriture pure et intarissable aux saveurs à nulle autre égalée. Un
monde où le seul effort est celui d’aimer ce qui nous entoure et de faire du bien à toute
créature vivante.
Mon cerveau restait embrumé entre mes rêves et une réalité me ramenant à ce miroir qui
me renvoyait l’image d’un homme ayant perdu sa fraicheur.
Penché au-dessus de mon lavabo, je m’aspergeais le visage d’eau. Mes fesses à l’air libre se
recouvrirent de chair de poule. Malgré tout, mes yeux refusaient de s’ouvrir plus que de
raison. Gelé sur place, j’arborais une tête de fêtard périmé. Sauf que je ne savais plus ce que
« s’amuser » signifiait.
Fatigué dès le réveil, je commençais à me perdre dans la vapeur ambiante provoquée par la
douche brulante qui coulait depuis quelques secondes derrière moi.
Une ombre attira mon attention sur le miroir. Je me vis sortant de cette brume fabriquée…
mon souffle devint court, l’air étouffant. Et alors que je me mirais, frottant la barbe
naissante qui picotait un chouia, mon reflet baissa la tête, les mains plaquées contre le
miroir !
Je poussai un cri étouffé, reculai de quelques pas, me cognai contre la porte de la douche qui
s’ouvrit, basculai en arrière et m’affalai sous la flotte, les escarcelles étonnées.
Perdu dans ce brouillard bouillant, je me demandais si mon double de l’autre côté du miroir
souhaitait, lui aussi, changer de vie... Ou peut-être avais-je rêvé. Mais je n’étais pas pressé
de savoir la vérité. Cet instant me redonnait un espoir fou, et je préférais encore quelques
moments rêver à cet improbable autre monde meilleur.
Il est des matins.... dur dur retour à la réalité...
RépondreSupprimerQuel embrouille, que celui de ce matin là ...
RépondreSupprimerHi hi hi
SupprimerS'échapper, fuir la réalité, et peut-être, ne pas revenir.
RépondreSupprimerVoilà qui me fait plaisir de ne pas être seul à raisonner de cette façon. Bon, je suis tranquille maintenant, personne n'a plus besoin de m'employer pour un travail qui de toute façon a perdu tout son sens. Devant ou derrière le miroir, je peux déambuler tranquillement. Inventer des labyrinthes où je peux me perdre à l'infini.
RépondreSupprimerBon dimanche Katrina
Merci Margi, et bonne semaine à vous puisque je viens juste de voir votre commentaire. Et oui, l'imaginaire fait voyager où l'on veut ;)
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