04 janvier 2025
DIRTY LITTLE THING / Galet
Ce matin, j’ai soulevé le couvercle du
conteneur réservé aux emballages divers, et un coup de vent plus fort que les
autres a fait s’envoler une page de magazine pour la plaquer contre la paroi en
bois du local extérieur. J’ai vidé mon sac en me retenant de respirer – pas
besoin de nettoyer avant de jeter, qu’ils disent – puis je me suis retournée
pour récupérer la fugitive, toute gondolée de souillures. Et là, j’ai reçu le
choc de cet œil qui semblait me défier de le renvoyer dans la benne.
Etait-ce une publicité pour un produit de
beauté quelconque ? La photo d’une personnalité, d'une princesse ? Un
article de fond sur la vision ? Seul cet œil sur papier déglacé émergeait
d’une couche multicolore et durcie de matières variées et desséchées, et le
tout formait une composition surprenante, improbable, délicate finalement.
Surmontant mon dégoût, j’ai regardé d’un peu
plus près cette œuvre collective d’une micro-société de consommation : des
morceaux bleus de sacs plastiques s’étaient collés sur des traces de ketchup,
des restes de crème plus très fraîche échappés d’un pot qui continuait sûrement
de se répandre dans le bac, des coulures de jus d’orange peut-être, un bout de
papier de soie jaune – je n’osais penser à autre chose –, des traces noires que
je renonçais à analyser…
J’étais tout simplement subjuguée par ce
montage digne d’une œuvre de street art ! Mais ça vraie définition étant
« ordure », il me fallait la récupérer pour la mettre dans le
contenant adéquat, à l’aide d’un petit carton qui traînait par terre. Mais
avant, je l’ai photographiée avec mon téléphone, ça fera un excellent sujet
pour l’atelier d’écriture de ce soir ! Bien sûr, je leur épargnerai les
détails…
Regard / Jak
Oh ! princesse
tu as su si bien te farder !
D’un coup de pinceau
réaliste
Tu as révélé une
larme en lavis délavé
Cette croute sur tes cils?
un heureux
barbouillage, qui s’incruste
tout cet empâtement
suggère
une impression de vie
où semble dériver un
iris chatoyant follement captivant
Et qui trouble
l’esprit,
produisant un suprême
emballement
C’est magique et
fascinant, qu’une touche
de fard puisse mettre en valeur un regard
Aujourd’hui moins que demain /L'Entille
Louis s’éveille auprès d’Elsa, sa douce, sa princesse.
Comme chaque matin, il jouit de l’instant où elle va ouvrir les
yeux, du moment d’avant, quand ses paupières frisent
légèrement. Les prémisses de son réveil sont un instant de
pure magie. Ses cils bruns et longs tremblent légèrement.
C’est le moment de chasser enfin le voile nocturne pour
donner naissance à une nouvelle vie.
Et ses yeux s’ouvrent. Louis décrit chaque jour cet instant
intense par sa brièveté, sa douceur, sa force. Il le fait avec ses
mots et son amour infini. Parfois il prend ses couleurs et sur la
toile il tente de traduire son émerveillement devant cette
alchimie.
Et chaque soir, il s’enthousiasme du prochain réveil d’Elsa.
Demain il pourra décrire pleinement son émerveillement
devant les yeux d’Elsa.
PARCOURS / Galet
Lorsqu’on pénètre dans le salon-bureau-bibliothèque, on reçoit le choc du grand tableau accroché entre les deux portes-fenêtres, face à l’entrée. Certains disent déstabilisant ou curieux, d’autres magnifique ou superbe – pour plaire au propriétaire ? – ou étrange, dérangeant, allant jusqu’à « très sympa » pour ceux qui jouent les blasés. A qui en demande l’auteur, il répond sobrement : « une amie ». Point n’est besoin pour tout un chacun d’en savoir plus.
Isabelle l’a réalisé juste avant son dernier reportage, pendant une pause de trois mois qu’elle s’était exceptionnellement accordée, elle se disait un peu fatiguée. Cet aveu aurait dû l’inquiéter, mais après tout quoi de plus normal quand on courre aux quatre coins de la Terre, pour écrire avec ses tripes sur les injustices, les manquements, les crimes de toutes natures, les brimades et les exactions imposées par certains à d’autres ? Isa était journaliste freelance et ne travaillait que sur des sujets de société, souvent au péril de sa vie. Sa force était de se fondre dans les populations, elle ne prenait jamais de photos, son œil était sa caméra et sa plume donnait à voir aux lecteurs de ses articles très sensibles et documentés.
Cet été là, il l’avait trouvée devant une grande toile vierge, sur laquelle elle avait collé, un peu excentré, un immense agrandissement de son œil. C’est lui qui avait pris ce cliché, il aimait ses yeux et n’avait pu résister au plaisir de tirer quelques gros plans de son iris, rond et bleu comme cette planète qu’elle arpentait. Elle avait ri, et maintenant elle s’en servait. Il était resté jusqu’à ce qu’elle déclare avoir terminé, et il connaissait la signification de chaque trace de spatule, chaque épaisseur de peinture posée au couteau, chaque détail relevé au pinceau.
Ses rencontres étaient ici résumées : l’orange des kesas du Tibet et de Mongolie ou des plantations d’agrumes d’Espagne ou de Sicile, le jaune pâle des grèves de Méditerranée où vient échouer la misère d’Afrique et celui plus dur du soleil implacable partout où l’eau vaut un or aussi brillant, le noir du khôl inutile et du linceul obligatoire des femmes d’Afghanistan, d’Iran ou d’ailleurs, le rouge du sang versé ici et là pour la liberté ou son absence, le vert sombre des forêts anéanties, le bleu pur des grands ciels au-dessus des montagnes, celui changeant des mers vides de vie mais encombrées de déchets, le blanc de neiges qui bientôt ne seront plus ou de poudres d’oubli mortelles, le rose d’un espoir qui s’amenuise et auquel pourtant il faut s’accrocher… Elle y avait mis ses cils collés par les embruns du grand large et humides de larmes contenues, elle y avait jeté sa colère, sa persévérance, sa force et ses faiblesses.
Puis ils avaient profité de ces jours ensemble, avaient beaucoup ri, s’étaient souvenus de ce temps béni de l’enfance où il se voyait chevalier alors qu’elle refusait d’être princesse, exigeant déjà la parité. Et elle avait refermé les volets et lui avait offert son tableau, avant de repartir. Ce que les hommes n’avaient pas fait, un virus qui couvait s’en était chargé, dans un coin perdu de ce monde.
L'art retrouvé / L'Entille
La foule
se pressera encore une fois en ce week-end ensoleillé de mai. Pour la vingtième
année, l’association qui préside aux destinées du château de la princesse Inès
à Tourangel-sur-Loire, organise son festival de body art. L’engouement pour ce
spectacle vivant ne se dément pas d’année en année. Toujours plus nombreux, les
visiteurs et les amateurs de performances artistiques affluent pour cette
manifestation. Tout d’abord un mouvement artistique très confidentiel et
controversé, il a obtenu ses lettres de noblesse grâce à des rencontres comme
celles-ci. Ne vous fiez pas au côté voyeuriste que d’aucuns mettront en avant.
Et pourquoi pas d’ailleurs, l’art est fait pour être exposé, vu et regardé. On
pourrait penser que ce courant plonge ses racines avec les sixties pour le côté
exhibition. Non, il s’agit bien là d’un art majeur qui remonte à l’antiquité.
De nombreuses civilisations ont fait du corps humain leur toile pour exprimer
la force, la loyauté, la vie, etc. On parle là, de tatouage, de piercing, de scarification
et de peinture. Tout se recycle et l’art n’est pas en reste. La créativité n’a
de limites que celles qu’on lui donne.
Si vous avez raté les premiers rendez-vous de body painting, il est urgent de
ne pas louper le prochain. Le week-end de Pâques à venir, les artistes seront
présents pour exposer leurs œuvres. Si vous êtes un tantinet aventureux,
pourquoi ne pas vous prêter au jeu. Les candidats se bousculent, qui pour une
main, une jambe, un visage ou même juste un œil.
Couleur locale ? / K
LES YEUX / J. Libert
L’œil plus grand, plus ouvert est, peut-être, celui qui regarde le monde, la réalité ou les choses avec étonnement et curiosité ; celui qui s’emplit de la magie des couleurs, conserve, derrière sa rétine, des souvenirs d’ombres et de lumières ; celui qui fait voir la vie en rose même les jours de pluie ; celui qui transforme le banal en exceptionnel, la laideur en originalité ; celui qui déchiffre les énigmes, en savoure les mystères ; celui qui voit toujours en l’autre, un roi, une princesse, un camarade ou un ami.
LA PRINCESSE AUX COULEURS MYSTÉRIEUSES / Marie Sylvie
Il était une fois, dans un royaume lointain, une jeune princesse nommée Émilie.
Point de vue - Jill Bill
Je lui ai fait confiance, j'ai posé ;
Une heure durant, car,
Je lui avais tapé dans l'oeil à ce peintre de Montmartre...
T'as d'beaux yeux tu sais, bref, on connaît....
Déjà il peint au couteau, original,
Ensuite, la suite.......
Au résultat, j'ai fermé les yeux,
Les artistes, hein....
Mais il se met le doigt dans l'oeil
Si il pense me demander les yeux de la tête, pour, un oeil !!
Ah ma princesse, je te reconnais bien là, ça saute aux yeux,
S'est écrié mon prince charmant !
Aaaaah bon !!!!!!
Moui, ton oeil, lapis lazuli,
Et ta façon colorée d'aimer la vie...
C'est vrai que j'aime la pizza quatre saisons ;-)