07 juin 2025

ÉVASION EN COMBINAISON SPATIALE / Marie Sylvie


 


ÉVASION EN COMBINAISON SPATIALE 


Le menu des noces d'or de Papi et Mamie avait été un franc succès, un véritable festin où chacun avait succombé, non sans gourmandise,  au charme rustique du gigot d'agneau accompagné de ses inévitables flageolets. Les éclats de rire et les congratulations avaient empli la salle tandis que les assiettes se vidaient avec une rapidité déconcertante. 

Mais à mesure que la soirée avançait et que les conversations s'élèvaient, l'atmosphère de fête commençait à se charger d'effluves moins ... poétique. Une fragrance singulière, un mélange puissant de brebis et de légumineuses, commençait à saturer l'air. Pire encore, des borborygmes discrets mais insistants se joignaient à la cacophonie joyeuse, trahissant les joyeuses réjouissances digestives de convives visiblement repus.

Pour ma part, plongée dans mon roman passionnant que je n'osais quitter, la situation devenait intenable. Chaque bouffé d'air menaçait de m'arracher à mon univers littéraire, et les sons, biens que discrets, perturbaient ma concentration. C'est alors qu'une idée, aussi absurde que géniale, traversa mon esprit. 

Je m'éclipsai discrètement et, quelques instants plus tard, je réapparaissais. Non pas en tenue de soirée,  mais dans un accoutrement qui détonnait singulièrement avec l'élégance des lieux : une combinaison spatiale immaculée, avec son casque sphérique et sa visière sombre.

Installée de nouveau dans mon fauteuil, le livre grand ouvert, je me sentais enfin en sécurité. Le filtre à air de mon casque agissait comme un bouclier olfactif imparable, tandis que son isolation phonique atténuait les bruits ambiants à un lointain murmure. Loin des  " pétouilles " et des " pets" inévitables d'un repas trop copieux, je pouvais enfin prolonger ma lecture sans être " infectée " par les relents tenaces ou " incommodée" par les borborygmes. 

Tout le monde me regardait, amusé ou interloqué, mais peu importait. Dans mon cocon pressurisé, je siégeais, figure incongrue et sereine, l'œil rivé aux pages . C'était ma petite victoire personnelle sur l'odeur du mouton et les flageolets : Ma propre bulle d'oxygène  et de silence, ma modeste  *utopie littéraire au cœur d'un banquet familial débordant de vie ... et de gaz. 

5 commentaires:

  1. J'espère que tu es confortable ?? Que ne ferait on pas pour ne plus sentir les odeurs déplaisantes ? Mais les gens déplaisants que l'on ne peut ""sentir"" comment faire ??

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    1. Bonjour Ghislaine,

      C'est une excellente question et une situation que nous rencontrons tous à un moment ou à un autre .

      Pour ma part, ma stratégie est simple : Je les ignore, pas par mépris mais par autoprotection.

      Je pars du principe que chacun a sa place sur Terre, et cela implique une forme de tolérance, même envers ceux dont le comportement ou les paroles ne nous conviennent pas. Si je ne vais pas changer de trottoir pour les éviter physiquement, je change de "trottoir mental ". Je ne leur donne pas l'énergie nécessaire de ma colère ou de ma tristesse.

      Je sais que les insultes peuvent faire mal, c'est humain de ressentir cela. Mais je refuse de leur donner le pouvoir de gâcher ma journée ou d'affecter mon bien-être. C'est comme un bouclier invisible : J'attends, je prends note ( parfois ça pique !), mais je ne laisse pas entrer en moi ce qui ferait mal. C'est une façon de préserver ma paix intérieure.

      Bien amicalement, Marie Sylvie








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  2. Et dire qu'on taxera d'ivrognes ceux qui diront avoir vu un astronaute !

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  3. une bulle portative une protection bien pratique et pleine d'humour !

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  4. La préparation pour les vols interplanétaires est devenue décidément beaucoup plus draconienne.

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