01 février 2025

LE GEAI BLEU / J.Libert

 



                                                            LE GEAI BLEU
 
 
    « On entend parfois l’expression : « c’est un oiseau rare ». Ici, on peut la prendre au sens littéral. Oui ! Je suis un oiseau rare. Je suis le geai, le geai bleu des chênes.
 
    Sans prétention aucune, ma parure, aussi éclatante que celle du paon fait de moi le milord ailé des forêts de chênes qui ne connaissent pas le couperet de la hache. Elles sont mon aire de vagabondage et de nourrissage.
 
    Un œil extérieur pourrait me comparer à une pierre précieuse, un chatoyant dans son écrin. Je pourrais vous énumérer toutes les couleurs et les nuances  de mon plumage ; ce sont surtout les bleus qui prédominent : depuis le haut du dos jusqu’au départ de mes ailes.
 
    Mais si on admire ma beauté moirée, mon chant n’est pas toujours des plus harmonieux. Si j’ai la faculté d’imiter le cri des autres espèces, je peux avoir des accents de trompette, simuler le cri du canard. Ce sont d’étranges cris rauques, peu chaleureux qui n’ont rien à voir avec les stridulations du rossignol. Mais à chacun ses points forts.
 
    Je construis mon nid loin de la vue des humains, de façon presque invisible, assez haut dans les arbres. Je fabrique une petite taie matelassée faite de racines sèches, de fils épars, glanés au hasard sur laquelle seront couvés les œufs. Je reste toujours à proximité pour éviter tout pillage ou intrusion. Je sais de quoi je parle ne valant pas mieux que le coucou qui pille,  sans scrupule, le nid des autres oiseaux.
 
    Dans la forêt de chênes, je me nourris surtout de glands dont je peux faire provision, à la manière de l’écureuil, mais aussi, de maïs, de chenilles et de fruits divers. Je me souviens  des trous où j’enterre mes trésors de nourriture et, même sous les flaques d’eau ou sous un épais manteau de neige, je suis capable de les retrouver.
 
    Les graines que j’avale et que je rejette servent à reproduire un nombre immense d’arbres forestiers. Ainsi, tel le petit colibri, je fais ma part : je participe à la croissance, la luxuriance de la nature.
 
    Adepte de la paix, j’ai omis de vous parler de ma peur, surtout de ma haine du hibou, cet égorgeur nocturne qui, sous le couvert de l’obscurité, commet ses méfaits. Dans ce cas, je n’hésite pas à alerter, par mes cris, la gente ailée pour le forcer à fuir.
 
    Retrouvant mon champ libre au creux des forêts, le ciel, la terre, les nuées, l’eau  m’appartiennent. »


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