Viens par Jill Bill
Quête de sérénité par Marie Sylvie
Jeunesse par J.Libert
Hors jeu.
Personne ne voulait rester sur le banc de touche. La partie n’était pas gagnée d’avance mais au jeu du qui perd gagne, ils avaient plus d’un atout dans leur manche. Vaillamment chacun avait retroussé ses manches et activé l’esprit d’équipe qui les caractérisait. L’enjeu les galvanisait. Le chemin tout aussi bien que le but les enthousiasmaient. Le leader les avait chauffé à blanc, remontés comme des coucous suisses. « À cœur vaillant rien d’impossible », et, « tous pour un, un pour tous » étaient leurs devises. La qualification était à ce prix. Pourtant, ils savaient qu’un seul sortirait du lot, un seul serait appelé à un grand destin, mais pas question de croc en jambe ou de : « pousse-toi d' là que j' m'y mette ». Ils tenaient tous la solidarité comme vertu cardinale et pas un n’y dérogerait !
Enfin, tout ça c’était avant. Avant que la justice y mette son grain de sable qui fit tout dérailler. On cria au déni de justice, à la chasse aux sorcières, à la mise à mort. Mais rien n’y fit. Le courage les abandonna et chacun tira sur ses compagnons de naguère. « C’est pas moi, c’est lui » fût leur nouveau credo.
À l’impossible nul n’est tenu. Accepter de combattre pour une cause perdue n’est pas un choix opportun pour les jeunes loups aux dents longues, ni même pour les vieux. Ils repartirent pour des terres plus sereines où l’échec n’est pas une option.
"Petit-Pont"
Dans le village de mon enfance
Au pied des montagnes douces
Chaque dimanche avait son importance :
C'était à chaque fois “nous” contre “tous”
Sur ce terrain vallonné de cambrousse
Se jouait chaque semaine un match vital
Et, s'il vous plaît, que personne ne glousse :
Au milieu des moutons, c'était un festival
Pas d'autres spectateurs dans ce trou perdu,
A “Petit-Pont”, nous jouions pour la gloire
Mais chaque passe ratée était un drame absolu
Et chaque but marqué une éclatante victoire
Le gardien portait la casquette du Pépé
L'arbitre sifflait entre ses deux doigts
Y'avait ni Platini, ni Zidane, ni Mbappé
Mais mon Dieu, on était pleins de joie
Maintenant que ces années ont disparu
Doucement dans les brumes de la mémoire
Je me rends compte qu'elles étaient bien plus
Que des années transitoires
Alors, pour leur donner une dernière chance
Je les dessine à l'encre douce
En essayant d'en rendre l'ambiance
Et puis je referme ma trousse
Car aujourd'hui ma qualification
C'est celle de dessinateur de BD
Je ne tire plus dans le ballon
Je tire des traits sur le papier...
Alors qu’ils cherchaient à s’approcher des Andes, non loin de Mendoza, l’explorateur Diaz de Solis et son expédition tombèrent sur un spectacle étrange.
Des hommes curieusement vêtus, non armés, couraient dans tous les sens dans un pré plein de creux et de bosses sur lequel des lignes étaient tracées. Quelques moutons observaient cet étrange ballet avec circonspection.
Etudiant de loin à la longue-vue ce qu’ils prirent pour une coutume ancestrale, Diaz et ses hommes comprirent rapidement qu'un objet semblait être l’enjeu de leurs courses folles.
Plutôt informe, il ressemblait cependant de loin à un sac de jute rempli de chiffons et l’on remarquait vite qu’il était particulièrement difficile à attraper en raison de la configuration du terrain.
L’objet sacré -qualification purement hypothétique- roulait dans tous les sens, au point que peu nombreux étaient ceux qui parvenaient à s’en saisir, du moins à l’utiliser.
Les explorateurs ne comprenaient pas pourquoi les autochtones n’utilisaient pas leurs mains, mais leurs pieds, ce qui ne facilitait pas du tout la pratique. Ils songèrent à une possible pénitence prévue dans cette liturgie dont les règles leur étaient inconnues. De plus, la peuplade prise par ce rituel paraissait ne pas s’en plaindre.
Il y eut même un moment extrêmement perturbant où l’un des hommes tout près de l’objet s’en débarrassa inexplicablement illico d’un coup de tatane monumental pour l’envoyer juste au -dessus de la tête du surveillant des filets de poisson. Ce qui procura une grande joie à certains d'entre eux seulement. Bizarre.
Prudents, mais pragmatiques, Diaz et ses hommes décidèrent de camper à distance sans se manifester. Ils se contentèrent le moment venu d’aller déposer nuitamment, à peu près au milieu du pré déserté, un billot de bois retaillé en cube, comme une offrande anonyme, premier apport de la civilisation du progrès à cette bande de sauvages.