13 juillet 2024

Le colibri et le monolithe / K

 





Le colibri et le monolithe – Robert Dodine –
1966- collection privée

 

« Monolithe », tel qu’il est souvent nommé en raccourci par les initiés, est le premier tableau d’une série de cinq (dont les quatre autres sont perdus) que l’artiste Robert Dodine a thématisée sous le label «constructivo-conceptuelo-abstracto-postmoderno-contemporain».
Cette œuvre se veut dans son épure décalée une dénonciation implacable de la société de consommation.
Au premier plan au centre la mer penche symbole des fractures et des déchaînements d’un monde agité.  
Une ligne invisible nous relie -coin droit en haut- au flibustier qui n’apparaît pas mais que l’on devine en une sorte de présence-absence, un lointain-proche angoissant.
Cette figure étrange est convoquée avec gourmandise par l’artiste qui fait ici référence très explicitement aux prédateurs qui préfigurent la globalisation et la mondialisation. 
Inévitable dans la vision du peintre, l’horreur atteint son climax dans l’empilement à la gauche du "carré bleu" figurant en haut à droite de petits rectangles (à moins que ce ne soient des briques –la question mérite d’être posée) qui n'en finissent pas de se fondre dans un néant ascendant.
Etrange inversion de la chute – ascensionnelle donc- qui vient en écho de… l’espoir. Et le colibri y a toute sa place.
Oui, où trouver et maintenir l’espoir dans le message, comment dépasser la seule dénonciation, pourrait-on se questionner ?
La pleine maîtrise de l’artiste lui permet de le mettre en scène allusivement avec l’ingénue – ou bien ne serait-ce que son ombre ? - qui se tient sur la plus basse des deux lignes courbes, prête à fendre le tableau en son centre et qui désigne le précipice qui attend l’humain dans sa condition avec la perte (la fin ?) de l’innocence, la chute faisant passer d’un rouge à un noir quasi-infernal.  La frêle flamme de l’espoir n’aura guère duré. 
On note bien sûr l’absence totale du monolithe, car l’hypothèse d’une allusion au(x) monolithe(s) a été rejetée dans la partie « briques » en une réponse cinglante qui convoque la complexité, loin de tout simplisme.
 
C’est dans cette exigence implacable et lucide que Dodine est d’autant plus précieux.   

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